Artiste singulier s'il en est, Jan Fiévé régurgite
par la bouche et l'inspiration d'Arman Méliès, son
double créatif, toutes strates d'un univers mental en suspension.
Nourri contraint par les Morricone que sa mère écoutait
en boucle, c'est vers eux qu'il retourne aujourd'hui, transcendés
par une indie-pop qui oublie avec bonheur ses années d'égarement
adolescent dans un punk-hard peu attractif.
A l'aube des années 2000, c'est au sein de l'éphémère
groupe Enola (dont l'unique opus, Figurines, connut un succès
d'estime très confidentiel) qu'Arman rôde une pop
lascive rendue aérienne par son timbre envoûtant.
Echappé en solo, ses mélodies refusent le formatage
et c'est dans une lignée sans concession qu'il s'affirme,
celle de parrains légitimes comme Dominique A ou Bashung
qui lui confient en retour, au pire leur admiration, au mieux
leurs premières parties.
Néons blancs et asphaltine, son précédent
album, posait déjà tous les jalons de ce qui fait
aujourd'hui la force de ces Tortures volontaires. Une poésie
hallucinée, presque surréaliste, au service d'un
univers sonore débridé, fait de mélodies
lancinantes, de guitares errantes et de claviers héroïques.
Si Arman ne donne pas dans la narration littéraire, ses
compositions se chargent de véhiculer un souffle épique,
poussé à son paroxysme sur les divines plages instrumentales
que sont Roma Troma et Géopolitique des brumes, véritables
bandes originales pour western sidéraux. Une saveur post-rock
s'invite parfois, tant place est faite à l'expérimentation
sensorielle, sur le fil des instruments. L'invitation au voyage
érigée en profession de foi.
Inclassable autrement que par fusion de courants et de références,
Arman Méliès est avec Nosfell ce qui se fait de
plus déroutant et innovant aujourd'hui sur la scène
française. A découvrir impérativement.
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