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Je ne sais pas si on peut parler d'un tel chamboulement. Je me sens encore en devenir, je n'ai pas l'impression d'avoir atteint un rythme de croisière. La preuve, dès que j'ai fini un disque -et cette remarque est aussi valable pour celui-ci- je pense déjà au suivant !…

Qu'en est-il du côté sombre de Dan Brodie ? Parfois, ton âme paraît si tourmentée…
(un peu gêné)… Je passe pas mal de temps avec moi-même, je ne suis pas spécialement un introverti, mais certains moments de repli et de solitude influent énormément sur mon humeur et évidemment sur mon écriture…

Dans ces moments d'écriture solitaire, t'arrive-t-il de te laisser guider, comme par de l'écriture automatique ?
Oui, de temps à autre je peux fonctionner dans un système de semi-conscience. C'est d'ailleurs très certainement dans ces moments-là que j'écris mes meilleures chansons…

Es-tu un maniaque de l'écriture, est-ce que tu reviens en permanence sur ce que tu as fait pour fignoler, encore et toujours ?
Non, ce n'est pas quelque chose que je fais. Cela pourrait sans doute être intéressant si je trouvais le mode de fonctionnement adéquat, mais je préfère pour l'instant que mes chansons soient enregistrées telles qu'elles ont été conçues, sans détour ni arrangements complexes. J'ai besoin de pouvoir les dompter sur scène, de les maîtriser, et non pas de me retrouver esclave d'elles…

Dans "I Seen The Light", tu dis "j'ai bu pendant 10 ans, j'en ai pleuré des larmes…". Ta musique devient-elle alors une délivrance ?
(longue hésitation)… Je ne sais pas, j'ai parfois du mal à relier ma musique et ma vie personnelle… Au-delà de ça, de façon générale, je n'aime pas trop expliquer les paroles de mes chansons, elles forment un tout et il est souvent délicat d'en extraire une ou plusieurs phrases…

Quand je parlais de délivrance, cela pouvait aussi être une forme de thérapie, une façon d'apaiser certains démons…
Oui, je vois ce que tu veux dire… Effectivement, comme beaucoup de gens qui écrivent -des chansons, des livres ou des poèmes- je suppose que je le fais avant tout pour moi ; et en partie par nécessité. Mais cela reste encore à un profond niveau d'inconscience, je n'ai pas encore eu le temps -ou le courage- de me poser et d'essayer d'analyser tout ça…

En même temps, il y a automatiquement une signification, je suppose que quand tu chantes ce type de chansons, cela te renvoie à un niveau plus personnel qui est d'ailleurs la substance même du morceau, non ?
Oui, quand je suis sur scène et que je chante "I Seen The Light", je sais pertinemment de quoi je parle. Et je pense que Chris a sa propre signification aussi, qui n'est sans doute pas très éloignée de la mienne, mais qui n'est pas tout à fait identique.

La plupart de tes chansons sont construites sur un double niveau d'écriture, avec souvent une structure assez elliptique. Il y a un début et une fin, un avant et un après, mais on ne sait pas toujours ce qu'il y a au milieu ni même où se trouve ce milieu…
(réfléxion)… Ce que tu dis est très intéressant, car je n'y ai jamais songé auparavant et, là, en pensant à deux ou trois chansons, je me rends compte que tu as indéniablement raison… Je pense que c'est lié à un schéma d'écriture, ou peut-être une habitude, ce qui revient au même… Peut-être aussi aux sujets même des chansons, qui puisent régulièrement dans mon passé pour argumenter à propos du présent… (Dan se perd un instant dans ses pensées, regarde le track-listing de l'album, réfléchit à nouveau)… Tu me poses une belle colle, là, il faut que je cogite…

Avec l'aimable autorisation de Christophe Goffette et du magazine Crossroads .

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