Tout d'abord,
il y a eu un autre projet appelé simplement "Porgy
& Bess". Il y a cinq ans, j'ai enregistré la version
"philologique" de Miles Davis et Gil Evans. Cet enregistrement
était payé par une société de musicologie
afro-américaine en Italie. Comme les partitions de la séance
de 1959 avaient disparu, l'association a commandé la transcription
des arrangements écrit par Gil Evans. C'est Gunther Schuller
qui s'en est chargé, il a écouté le disque
et a retranscrit les arrangements à l'oreille. Il m'a demandé
de jouer la partie de Miles Davis, je suis resté un peu
comme ça (il se fige) et puis je me suis dit pourquoi pas.
Ce n'était pas facile, il y a eu pas mal de problèmes,
des partitions qui manquaient. Et puis se posait un problème
de sens : y avait-il un intérêt à refaire
exactement la même chose ? Je me suis posé pas mal
de questions, j'ai trouvé mes réponses, nous avons
enregistré et nous avons fait une tournée. Par la
suite, BMG m'a proposé de faire un disque, j'ai décidé
de reprendre l'opéra en allant un peu plus loin et faire
ma propre version en utilisant mes musiciens, en réinterprétant
avec des sons d'aujourd'hui, en y incorporant un guitariste, un
joueur de oud. Je pense que "Porgy & Bess" est un
opéra qui appartient à tout le monde, c'est une
histoire d'amour, par conséquent une histoire universelle.
Ce disque est la réunion de musiciens qui jouent dans mes
autres groupes, le Quartet Angel, le trio PAF (Paolo, Antonello
Sallis et Furio di Castri) et le duo avec Dhafer Yousef qui est
un formidable chanteur et joueur de oud tunisien. J'ai décidé
de faire un disque qui regrouperait tout le monde, le résultat
est métissé, un "Porgy & Bess" méditerranéen
en quelque sorte.
C'est
d'autant plus courageux de votre part que c'est une uvre
importante de la culture américaine et c'est un européen
qui en ose une version différente ?
Oui,
mais c'était ça l'idée. Après
avoir écouté la version de Miles Davis et Gil
Evans, et celle de Louis Armstrong et Ella Fitzgerald, je
me suis dit qu'il fallait faire quelque chose de très
différent. Je voulais changer l'instrumentation, la
guitare électrique de Nguyên Lê, le oud
et la voix de technique soufi de Dhafer Yousef offre des sonorités
extraordinaires, Antonello Sallis qui joue du piano de façon
un peu folle et de l'accordéon apporte aussi beaucoup.
On garde la mélodie, mais on essaie à côté
de faire un cadre qui change tout, chacun amenant son monde
esthétique. |
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La
version de Summertime est quasiment méconnaissable, est-ce
voulu ?
Oui,
tout était prêt, j'ai beaucoup travaillé à
la maison. J'ai aussi découvert des morceaux qui n'avaient
pas été joués par des musiciens de jazz.
J'ai préparé tous les arrangements et je suis arrivé
en studio avec toute la musique. Par contre, il restait une page
blanche : c'était Summertime ! Je m'étais posé
mille questions. Ce morceau a été joué par
tout le monde, il en existe des versions extraordinaires, on l'
a tous joué. On en a beaucoup parlé en studio, et
à la fin on a joué cette version très ouverte,
où on a gardé l'idée du thème mais
l'esprit est différent, parfois violent, un peu acid-jazz.
Le
métissage entre le jazz et la world music est à
la mode
Suite
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