C'est le fait
de vouloir utiliser des mots très simples. On arrive parfois
à des choses tellement euphoniques. C'est tellement juste
joli à entendre que ce n'est plus du français ! J'espère
toujours que le texte français ne va pas masquer la mélodie
ou l'émotion. Je m'efforce d'écrire avec des mots
que l'on entend presque pas et qui sont là pour ajouter des
images au son.
Aujourd'hui
nous sommes le jour d'une grande journée de mobilisation
sociale. Dans Le Sourire en moins nous pouvons prendre ça
de manière autobiographique mais aussi voir derrière
ce titre un constat comme quoi personne ne se mobilise plus pour
les autres ?
C'est ma première chanson vraiment politique. Ce sont mes
tristes constatations de quarantenaire. Mai 68 est très loin
! J'avais six ans quand cela s'est passé. J'ai eu un esprit
moqueur pendant des années concernant celui de 68 mais maintenant,
sans vouloir forcément descendre dans la rue quand systématiquement
nous avons la chance qu'on nous tende un micro, nous pouvons quand
même dire que nous ne sommes pas vraiment d'accord avec le
libéralisme triomphant et le pouvoir de l'argent dans notre
société. Le discours social peut être réactivé
car voter Chirac pour éviter Le Pen cela donne à réfléchir
sur l'état de la société.
Vous
dressez par exemple dans Au pays des artistes, et on le comprend
entre les lignes, un constat assez dur sur votre passé
?
Ce n'est pas tant sur mon passé ! C'est l'actualité
qui m'a donné envie d'écrire cette chanson. Tous
ces jeunes qui se prennent soit pour des stars, soit pour des
artistes parce qu'ils passent à la télé
pendant une année à haute dose ! Je pensais à
ceux qui rêvent d'être de vrais artistes ! C'était
leur dire que le tout n'était pas tant de passer à
la télé mais d'entretenir ce petit grain de folie
en plus qui est nécessaire. Je cite Kent, Françoise
Hardy, Charles Trenet
des gens qui font ou ont fait ce
métier depuis longtemps et qui ont une vision du monde
qu'ils s'efforcent de transmettre au public. |
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Vous
avez un supporter de premier plan qui est Benjamin Biolay. Son amitié
indéfectible vous a-t-elle fait du bien ?
Je crois que sans lui j'aurais continué à faire de
la BD ou je serais passé à autre chose parce que ce
n'est pas une histoire d'amour qui me lie à la chanson française.
C'est ma vie ! Mon plaisir numéro un ! Mais si on n'est pas
en phase avec le monde ce n'est pas la peine de forcer le trait.
Benjamin et moi avons su entretenir une relation d'abord amicale
mais aussi très artistique, faisant que l'émulation
aidant, j'avais envie de le surprendre. Comme lui ! Chaque fois
qu'il fait un album il essaye de m'épater. Nous nous parlons
beaucoup par nos chansons interposées.
Comment
s'est passée justement cette nouvelle collaboration ?
Mieux que jamais !
On
sent chez vous deux la complicité des dingues de musique.
Comment trie-t-on le bon grain de l'ivré quand on a l'ambition
de chanter français avec la pop anglo-saxonne dans sa discothèque
?
Il faut avoir un sacré culot ! Arrêter de complexer
! C'est l'un des bons côtés de la mondialisation !
Ce que font Benjamin ou Mathieu Boogaerts ou Alain Souchon est suffisamment
français et personnel pour que nous n'ayons pas à
rougir des comparaisons.
Avez-vous
eu l'impression de perdre du temps en route ?
Chaque album m'a appris quelque chose. Ce boulot est un long apprentissage.
Chaque fois que je me remets à faire des chansons j'ai l'impression
de repartir de zéro. C'est pour ça que savoir que
ma carrière repart de zéro ne me dérange qu'à
moitié car tous les albums de l'Affaire Louis Trio sont un
moment de ma vie. C'est tout ce que je peux donner à ce moment
là ! Et recommencer ensuite comme si je n'avais rien fait.
Sauf que je dois avoir pas loin de cent chansons en stock et que
c'est à la fois bon et angoissant ! C'est autant de choses
qui pourraient me rassurer mais pas tant que ça.
La
part d'ombre qui sommeille en vous est-elle quelque chose que vous
avez découvert avec le succès ou étiez-vous
un angoissé de naissance ?
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