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Photos : Vincent

 



New York Dolls + Fickle, 23/06/2006, l'Olympia.

On les croyait morts et enterrés à jamais. Mais comme dans les bons films de Dracula où le monstrueux héros revient quand même à la vie lors de l'épisode suivant, après avoir été réduit en poussière devant témoins, les légendes du rock 'n' roll ont la peau dure, et celle des New York Dolls a été tannée au marteau pilon car revoilà en plein XXIème siècle les débris d'un des groupes les plus influents des années 70, propulsé hors de l'underground à grands fracas de guitares hargneuses et de provocations avant d'être flingué au bout de deux ans et d'être liquidé pour le compte.

En cette époque où les vieux maîtres plus ou moins oubliés ressortent les guitares et se reconstituent pour conquérir à nouveau les tympans, la reformation des New York Dolls est un des événements les plus importants avec le retour des Stooges ou des MC5. Ces trois groupes ont été fondamentaux au début des années 70 par leur contribution décisive à l'avènement du punk. Les Dolls sont une bande de petites frappes new-yorkaises qui se formèrent en 1971 à partir du groupe Actress, une formation dans laquelle évoluaient Johnny Thunders, Arthur Kane et Billy Murcia. Avec l'arrivée de David Johansen (chant) et de Sylvain Sylvain (guitare), les Dolls naissaient et constituaient le chaînon manquant entre Chuck Berry et les Ramones. La bonne idée des New York Dolls fut de remettre sur les rails le rock 'n' roll des Fifties, de le mâtiner de Girls Groups des Sixties (les Shangri-La's, par exemple) et de se payer la tête des Rolling Stones en faisant encore plus fou dans le look (les fringues de nanas) et encore plus exubérant dans la musique (de l'authentique glam rock dégoulinant de rouge à lèvres et de platform-boots).

Suivront trois ans de folie scénique et musicale où les New York Dolls seront la grande sensation de la presse rock tout en étant quasiment ignorés du public, enfoncé à l'époque dans le marécage progressif. Après les albums "New York Dolls" (1973) et "Too much too soon" (1974, au titre prophétique), les Dolls s'écrasent dans le mur de l'excès (Johnny Thunders est un junkie incurable) et de l'incompréhension (le business les pensait incapable de percer en dehors New York). Ils finirent par échouer en Angleterre où ils furent managés quelques temps par un certain Malcolm McLaren. Celui-ci prit bonne note de l'exemple des Dolls pour mettre sur pied ses nouveaux poulains : les Sex Pistols. La voilà, la grande valeur des New York Dolls : être des parents incontournables du Punk en même temps que des maîtres du glam. Leur influence va engendrer des légions de groupes au look fou qui rayonneront dans des genres divers : Kiss, Aerosmith, Ramones, Blondie, Sex Pistols, Damned, Mötley Crüe, Guns 'n' Roses, Hanoï Rocks ou autres Strokes et Libertines.

Enfin, après exactement trente ans, les mauvais souvenirs sont oubliés et les New York Dolls viennent faire valoir leurs droits à la légende. Il y a juste que les effectifs ont été sérieusement amoindris. Sur les six mecs qui ont fait partie des New York Dolls (en comptant le premier batteur Billy Murcia, remplacé par Jerry Nolan pour cause de décès prématuré), quatre y sont restés, ce qui donne au groupe un taux de perte supérieur à celui de la bataille d'Okinawa. Du jamais vu depuis les Ramones. Ces même Ramones seront d'ailleurs des grands potes de Johnny Thunders, guitariste maudit des Dolls. Celui-ci doit être également remémoré comme fondateur des légendaires Heartbreakers en 1975 et comme un musicien écorché vif qui a carbonisé sa vie par les deux bouts, finissant ad patres à l'âge de 39 ans en 1991. Puis, ce fut Nolan (1992) et plus récemment Arthur Kane en 2004.

Tout semblait réglé jusqu'à ce qu'un fan absolu des Dolls, Monsieur Morissey des Smiths, propose à ses idoles de reconstituer les ligues dissoutes comme si de rien n'était. Et c'est ainsi qu'en 2004, on voit réapparaître les survivants David Johansen et Sylvain Sylvain avec de nouveaux musiciens : Sami Yaffa (basse, ex-Hanoï Rocks), Steve Conte (guitare), Brian Delaney (batterie) et Brian Koonin (claviers). Le passage à Paris va être d'autant plus intéressant que les New York Dolls ont encore en mémoire leurs fameux concerts à l'Olympia des 23 et 24 décembre 1973. Trente-deux ans après, c'est reparti et les Dolls sont attendus de pied ferme par un public… qui va se compter sur les doigts d'une main lors de la première heure d'attente devant les portes de l'Olympia.

Arrivé troisième à 19h45, je peux donc bavarder avec mon vieux pote Michel qui arrive de Montpellier et une poignée de jeunes auditeurs enthousiastes qui doivent s'estimer heureux d'être adolescents en 2006 et de pouvoir voir un groupe qui avait été vu pour la dernière fois par leurs parents. La désertification ambiante devant l'Olympia a une raison : le concert est annoncé à 23 heures, officiellement pour cause de football. Les rues sont effectivement vides car tout le monde est allé voir l'équipe de France tenter de se qualifier pour les huitièmes de finale de la coupe du monde. On espère ensuite que les footeux quitteront leur divan maculé de bière et de pizza pour venir assister à ce concert de glam rock. Ben voyons… Si les supporters de foot s'intéressaient au rock 'n' roll, ça se saurait depuis longtemps et ce sont à nouveau les fans de bonne musique qui doivent faire les frais de la dictature médiatique sportive. C'est plutôt une bonne opération pour les fans qui sont les premiers à la barrière, ils ne sont pas bousculés par le monde (la salle est à moitié vide) et qui ont tout le temps de se préparer à accueillir les Dolls.

Il faut encore patienter, le temps de subir une première partie des plus banales avec le groupe français Fickle, un combo aixois qui fait dans le Offspring à outrance. Il y a du beau matériel, les boys sont bien habillés (la cravate sur le polo du bassiste, chic) mais le groupe réinvente le Bubble Punk et met les deux pieds dans ce qui a déjà été fait par Blink 182 ou Sum 41. Le chanteur tente de faire participer le public, ce qui est une grave erreur, tout autant que de lui parler des résultats du foot. Fickle se rattrape avec une honnête reprise du "Blitzkrieg bop" des Ramones qu'il réadapte cependant avec des paroles en français. Trente-cinq minutes seront bien suffisantes pour découvrir ce groupe qui tranche singulièrement avec les vieux briscards des New York Dolls, qui s'apprêtent à donner une leçon de musique dont l'Olympia se souviendra longtemps.

Il est 00h45 quand les New York Dolls viennent affronter un public qui n'occupe malheureusement que la moitié de la salle. Enfin, les absents ont toujours tort et ceux qui sont là vont jouir de 90 minutes de rock 'n' roll impérissable et à forte teneur en octane. Les Dolls ne se sont pas contentés de réapparaître comme ça, ils reviennent avec un nouveau disque, au titre interminable ("One day it will please us to remember even this") mais à la musique toujours aussi directe et rafraîchissante.

Si l'on en juge par les six nouveaux titres qui jalonnent le concert, il va y avoir de la distribution de baffes dans les lecteurs CD à partir du mois de juillet, époque prévue pour la sortie de ce nouvel album, le troisième en 32 ans. Le temps est effectivement passé mais la magie est toujours là. David Johansen glisse sur ses 56 ans comme un prince éternel, sa longue silhouette menue déambule le long de la scène et sa voix rauque fait tonner les vieux classiques que sont "Looking for a kiss", "Subway train", "Pills", "Private world", "Trash" ou "Jet boy". A ses côtés, son fidèle camarade Sylvain Sylvain, petit bonhomme habillé de couleurs vives et manipulant une impressionnante Gretsch demie-caisse de toute beauté. Dire qu'il s'était rabattu sur le métier de taxi à New York pour pouvoir bouffer, voilà un beau retour.

Les nouveaux du groupe ne sont pas en reste et les musiciens expérimentés que sont Sami Yaffa (des Hanoï Rocks) et Steve Conte (qui a la lourde charge de succéder à Johnny Thunders) fournissent un travail admirable. A voir le batteur, on comprend pourquoi Zidane ne jouait pas ce soir contre le Togo, il est derrière les fûts des Dolls, tant la ressemblance est grande. Et au moins, le batteur des Dolls, il frappe juste… Le groupe brille sur certains titres hommage aux disparus. C'est d'abord Janis Joplin qui est à l'honneur avec une reprise de "Piece of my heart", un morceau qui figure sur le fameux "Cheap thrills" de Big Brother & The Holding Company (1968). Petite anecdote concernant cette chanson, tiens. Elle date de 1967, année où son compositeur Bert Berns décède à 37 ans. C'est d'abord Erma Franklin (la sœur d'Aretha) qui chanta ce titre, vite repris et immortalisé par la Joplin. Puis les Dolls rendent également hommage à Johnny Thunders en reprenant "You can't put your arms around a memory", magnifique chanson extraite du "So Alone" de 1978, le premier album solo de Thunders. Là, c'est Sylvain Sylvain qui chante, soutenu par le chœur du public qui chante avec lui. Sylvain a d'ailleurs l'occasion d'haranguer la foule en français car il maîtrise très bien notre langue. Ah, la francophilie des New-Yorkais, une des valeurs sûres de l'humanité…

Pour finir, si les titres du premier album sont majoritaires, quelques chansons de "Too much too soon" viennent également illuminer ce show énergique et plein de vigueur : "Puss 'n boots" et "Who are the mystery girls" (un de mes morceaux préférés). Le public qui a bien sautillé sans toutefois pogoter à outrance, est achevé avec un rappel qui associe passé et présent du groupe : le nouveau "Gotta get away from Tommy" et le fameux "Personality crisis" de 1973. C'est d'ailleurs dans cette année-là que nous avons été transportés ce soir par un groupe dont le retour est une bénédiction pour tous ceux qui veulent savoir d'où vient la magie des années 70 et leur atmosphère enfiévrée. Oui, il était bien bon d'oublier pour un temps la monotonie du présent, de son pétrole cher et de son football roi, pour se prendre une bouffée d'espace-temps et grignoter un petit morceau d'éternité. Merci, les Poupées de New York.

François.

Set list : Looking for a kiss / Puss 'n' boots / Subway train / Piece of my heart / Dance like a monkey / Pills / Punishing world / You can't put your arms around a memory / Gimme luv and turn on the light / Who are the mystery girls / Plenty of music / Private world / Dancing on the lip of a volcano / Trash / Jet boy / Gotta get away from Tommy (rappel)/Personality crisis (rappel).

 


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