Judas Priest et Scorpions, 02/04/2005, Brabanthallen,
Den Bosch (Pays-Bas),
Ce premier concert aux Pays Bas dans ma carrière
de fan allait être un grand moment voué au prestige
du heavy métal, le vrai, celui qui suinte des plaques de
tôles rivetées, celui des vieux monstres sacrés
des années 80 : Judas Priest et Scorpions, toujours dans
le circuit et toujours prêts à déboulonner
nos tympans.
A l'occasion de son nouvel album Angel of retribution
avec le grand Rob Halford de retour au chant, Judas Priest est
sur la route avec ses collègues de chez Scorpions en groupe
d'ouverture, mais qu'on peut considérer comme co-headliner,
vu le prestige respectif des deux groupes dans l'histoire du hard
rock. Mais il a fallu parcourir du chemin pour leur rendre visite
puisque la tournée de Judas Priest évite la Belgique
et la France. La Belgique, c'est dommage et la France, c'est normal
puisque ce pays n'est bon qu'à mariner dans le Hip Hop
ou les disques de Johnny Hallyday. D'où la Hollande et
le périple vers la ville de Den Bosch avec quelques complices
amateurs de sensations fortes.
Nous arrivons sur place vers 16h45 et nous nous
retrouvons à attendre devant un gigantesque hangar sous
un soleil de plomb avec les premiers fans hollandais venus prendre
leur dose de métal. Vers 18 heures, les portes s'ouvrent
et une marée humaine se retrouve dans un premier hall,
à attendre de nouveau devant d'autres portes. Nous sommes
les premiers, hé, hé, hé
A 18h30, c'est l'assaut de la salle avec conquête
d'office de la barrière, en plein milieu, idéalement
placés et avec la douce perspective de ne rien manquer
du spectacle. Les Hollandais attendent alors à nouveau
patiemment. Je m'attendais à voir de gros déménageurs
grisonnants bardés de cuir et de clous mais je constate
que le public venu voir deux groupes "old school" est
varié et que l'intérêt pour les Scorpions
et Judas Priest a franchi les générations. Mais
nous sommes en Hollande, l'autre pays du carnage, et nos chers
Bataves, à l'instar des Allemands, sont toujours partants
dès qu'il s'agit de vouer un culte au métal lourd.
Quelques Français sont également venus se perdre
dans cette masse, le fan français de hard rock étant
de plus en plus condamné au kilométrage à
outrance. La salle qui nous accueille est tout en métal,
bon signe
A 19h30, le pilonnage commence avec les Scorpions.
Les Teutons flingueurs, qui ont démarré leur arrière
en 1970 et ont achevé leur âge d'or il y a plus de
vingt ans, sont toujours redoutablement efficaces et assurent
en une heure un show absolument impeccable. Un son fantastique,
un jeu de scène réglé au millimètre,
des musiciens dans une forme olympienne, notamment Klaus Meine
et Rudolf Schenker qui semblent avoir oublié leur cinquantaine
plus qu'entamée. Le groupe ne prend pas de risques et va
taper dans les titres qui ont fait leur succès entre 1979
et 1984. C'est toujours Mathias Jabs qui est à la lead
guitare et avec son collègue Rudolf Schenker, il dispense
des solos toujours aussi acérés sur des guitares
flamboyantes. Schenker alterne des guitares en V rutilantes dessinées
par Mercedes ou Ferrari et Jabs exploite toujours ses bonnes vieilles
Gibson Explorer, vous savez, ces grattes en forme de n'importe
quoi dont les angles jaillissaient de partout. Mais par contre,
plus de Spandex moule-boules ou de petits blousons en latex hyper-serrés
: le look se veut dans le vent avec T-shirts et chemises colorées
que je ne conseillerai quand même pas pour aller au bureau.
La section rythmique s'est renouvelée avec
un batteur et un bassiste tout contents d'être là
et qui permettent aux Scorpions de perpétuer parfaitement
leur son tout au long de classiques comme Coming home, Bad boys
running wild, The zoo, Loving you sunday morning, Big city nights
ou Blackout. Un ou deux nouveaux morceaux du récent album
Unbreakable viennent ponctuer les débats et tous ceux qui
attendaient Still loving you en seront quittes pour se consoler
avec Winds of change.
Sur ce point, je suis content de voir que les
Scorpions n'ont pas sombré dans la facilité. Mais
il n'y a malheureusement plus aucun reste du répertoire
de l'époque d'Ulrich Roth et des fantastiques albums des
années 1975-78. Les Scorpions soignent leur public non
seulement musicalement mais aussi avec le visuel et la communication
qui prend la forme de distribution en gros de baguettes et de
médiators. La pêche est bonne puisque je récupère
une baguette et deux médiators.
Après ce démarrage tout en énergie
et en classe, une armée de roadies vient déménager
la scène et installer le matériel de Judas Priest.
Je suis heureux de voir que la tradition n'a pas changé.
Judas Priest est un énorme groupe de scène qui a
toujours soigné ses spectacles avec des effets impressionnants.
Lorsque les lumières s'éteignent sous les rugissements
de la foule, les voiles tombent et laissent apparaître une
construction métallique en U avec plate-formes surélevées
liées à la scène par de solides escaliers
d'aluminium. Et soudain, les dieux du métal apparaissent.
L'effet est saisissant. Sur la classique introduction The Hellion,
les guitaristes K.K. Downing et Glenn Tipton, le bassiste Ian
Hill, le batteur Scott Travis (transfuge de Racer X et Fight,
un précédent groupe de Rob Halford durant sa carrière
solo) prennent position et entament les premières notes
d'Electric eye. Mais où est Rob Halford?
Il apparaît au milieu d'un gigantesque il
électrique qui tapisse le mur du fond, revêtu d'un
énorme manteau de cuir et de clous. Et c'est parti pour
un show phénoménal qui va bien sûr faire appel
aux titres classiques des albums des années 80, mais aussi
proposer des chansons du nouvel album Angel of retribution, qui
marque le retour de Rob Halford au chant chez Judas Priest et
les retrouvailles avec le bon gros métal implacable et
hyper-carré.
Le Priest est toujours bien vivant et castagne
plus que jamais, avec sa célèbre paire de guitaristes
synchronisés qui assènent en même temps des
solos sidérurgiques et qui headbanguent à l'unisson.
Quand on pense que ce groupe existe depuis 35 ans, qu'il a tout
connu, les débuts discrets dans les années 70-76,
une irrésistible montée en puissance métallique
à la fin des années 70, l'âge d'or des années
80 où Judas Priest dictait la règle en matière
de heavy métal, puis la traversée du désert
des années 90 après le départ de Rob Halford
à l'issue de l'album Painkiller.
Bien sûr, le groupe avait continué
avec un autre chanteur mais ce n'était plus comme avant,
avec un succès fléchissant au fur et à mesure
que Rob Halford engrangeait les points avec sa carrière
solo et son formidable album Resurrection en 2000. Puis un jour
de 2003, l'enfant prodigue est rentré au pays et a retrouvé
ses frères. Et en 2005, avec Angel of retribution, c'est
reparti comme au premier jour. Le retour de Rob Halford au sein
de Judas Priest est pour le métalleux classique l'événement
le plus important depuis la chute du mur de Berlin. Le groupe
a fait peau neuve, a retrouvé ses instincts carnassiers
et est reparti sur les routes pour apporter à son public
son heavy métal impérial et imparable.
Devant nous, c'est le grand jeu : Rob Halford
apparaît et disparaît de scène grâce
à des ascenseurs le menant sur les plate-formes, il déambule
lentement à une allure de sénateur métallique,
habillé de ses manteaux de cuir ou d'aluminium, ses énormes
bottes cloutées foulant les planches tandis que ses comparses
inondent l'espace de rivières de notes plombées.
Le show monte en puissance tout au long des inévitables
classiques Electric eye, Metal gods, The ripper, Riding on the
wind, Breaking the law, Hot rocking. Le groupe sait alterner les
phases métallurgiques intenses avec des moments plus recueillis
où il fait preuve de sa classe, avec notamment la belle
reprise acoustique du Diamond and rust de Joan Baez. Je suis aux
anges quand j'entends aussi de fabuleuses versions de titres forts
qui ont fait la grandeur du Judas Priest, l'intense Beyond the
realms of death ou le superbe Victim of changes. Sans oublier
une version massive du Green manalishi de Fleetwood Mac qui fait
partie intégrante du répertoire du Priest depuis
des années et qui est plus célèbre que l'original.
Au cours de ce show babylonien, Judas Priest nous
a fait découvrir quelques nouveaux titres de son nouvel
album qui n'ont pas dépareillé par rapport au reste
de leurs classiques. Evidemment, c'est du Priest, du bon, du gros,
du solide, du blindé, à la précision mécanique
digne d'une Mercedes 600 SL. Il ne faut pas s'attendre à
quelque chose de déstabilisant ou de révolutionnaire
mais c'est comme un film avec Schwarzenegger : on sait ce qu'on
va avoir et à quel moment mais le fan sera toujours ravi.
Judas Priest achève la première
partie de son show avec Painkiller avant de nous laisser et de
revenir pour un rappel dans la grande tradition : Rob Halford
entre en scène sur une Harley-Davidson rutilante et vrombissante
et le groupe entame une énorme version de Hell bent for
leather, puis ce sont deux classiques des albums British steel
et Screaming for vengeance : Living after midnight et Another
thing coming. Une fin en apothéose qui laisse un public
enthousiaste à nouveau charmé par le professionnalisme
et l'énergie des membres de Judas Priest qui n'en finissent
pas de nous remercier.
Du son plein la tête, du cuir et de l'acier
plein les yeux, on peut rentrer tranquille chez soi, rassuré
à l'idée que les Métal Gods veillent toujours
François Tout pour l'acier.
|