Lofofora et D.Majiria, 22/09/2005, Botanique,
Bruxelles.
Quand on parle métal français et
plus particulièrement néo-métal, on s'aventure
sur un terrain glissant. La scène métal française
est bien active mais elle est la plupart du temps ignorée
des grandes maisons de disques et des médias grand public.
C'est sans doute la raison pour laquelle les métalleux
français ont encore de la ressource quand il s'agit de
gueuler leur rage et de hurler contre le conformisme de la société.
Et le groupe le plus calé en la matière est sans
doute Loforora, qui sévit dans l'hexagone depuis maintenant
plus de quinze ans, avec une demi-douzaine d'albums dans sa besace.
La nouvelle scène française (Watcha, Enhancer, Mass
Hysteria, Tripod, Pleymo, Aqme, Eths...) doit tout à ces
parrains du son bourrin qui ont quand même redonné
un coup de fouet au rock dur français avec leurs énormes
riffs empruntant à la fois à Pantera et au "
crossover burné " façon Suicidal Tendencies.
Le passage de Lofofora dans la petite salle du
Botanique de Bruxelles attire un public peu nombreux, jeudi oblige
et sans doute aussi à cause de l'aspect francophone, qui
n'intéresse pas ou peu le public flamand, pourtant gros
consommateur de décibels.
L'apéritif est servi par D.Majiria, un
groupe liégeois qui fait dans le petit néo-métal
entendu des milliers de fois (genre Pleymo). Le batteur ne connaît
qu'un seul fût et une seule cymbale de son kit. Le guitariste,
Gibson en avant et jambes écartées, a des allures
de Johnny Ramone mais n'effraie pas grand monde. D.Majiria remonte
dans mon estime lorsqu'apparaît sur scène un individu
masqué du nom de Georges Napalm qui vient aider le groupe
à reprendre une chanson de Bérurier Noir. Les jeunots
du public ne connaissent pas mais semblent apprécier ce
fleuron du punk français des années 80. D. Majiria
a, comme on dit dans l'immobilier, du potentiel, à condition
de travailler dur et d'acheter des disques pour trouver plus d'inspiration,
plutôt que de dépenser son argent dans d'énormes
banderoles et autres drapeaux marqués du nom du groupe.
Lors de la balance de Lofofora, qui prend assez
de temps, on voit que les roadies font preuve d'un très
grand professionnalisme. Les musiciens règlent eux-mêmes
leurs instruments devant un public affairé à les
observer de près. Ce public se révélera aussi
très jeune. J'ai à côté de moi trois
petites pies d'une quinzaine d'années qui se la jouent
diva gothique. Amusant, mais après tout, c'est l'âge
qui veut ça. On espère pour elles qu'elles écouteront
toujours du métal quand elles seront mères de famille.
Après la mise en place, les musiciens de
Lofo reviennent sur scène, avec cette fois le masque des
stars que l'on vénère. Et quand ils démarrent,
c'est la folie immédiate. Le groupe prend possession des
lieux et dicte sa loi d'airain. Lofo va nous sortir le grand jeu
et nous faire le coup de la reprise de Sébastopol par les
cosaques en technicolor et en 3D.
Le chanteur Reuno, personnage épileptique
et apocalyptique, est cerné par une triade maudite composée
du guitariste, du bassiste et du batteur. Le bassiste nous met
la tête dans le turboréacteur et tourne la manivelle
à donf'. Le batteur tape tellement fort qu'il met à
plusieurs reprises la batterie en danger. Le guitariste balance
250 tonnes de ferraille au m³. Lofofora, le groupe qui achète
ses cordes de guitare chez un armurier
Le combo pilonne, charcute, démantèle
les tympans. Reuno parcourt la scène de long en large et
met une ambiance de délire, poussant en permanence la populace
à l'émeute. C'est un excellent communiquant, qui
rappelle au public belge les bons moments passés au festival
de Dour, plaisantant au sujet d'un bruit de radio qui passe en
fond sur les amplis (incident technique fréquent au Botanique),
ce qui lui donne l'occasion de déchiqueter Patrick Juvet
au passage. Il est souvent devant moi, m'arrosant de sa sueur
et me faisant profiter de la douce odeur musquée de sa
transpiration de bête sauvage.
Il y a peu de monde et le public a de la place
pour pogoter. Les dix tonnes de poussée que je me prends
dans le dos me font comprendre qu'il y a de l'action derrière.
Les slammers sont les bienvenus sur scène et chantent de
temps en temps dans le micro avant de se jeter à nouveau
dans la fournaise. Lofofora aère son show de temps à
autre avec des morceaux plus lents et même un peu hip-hop.
Mais c'est pour se reprendre bien vite avec une charge de keupon
impitoyable qui anéantit tout sur son passage.
Après avoir lessivé le Botanique
dans les règles avec une heure et quart de concert brûlant,
Lofo repart à l'assaut d'un rappel épique qui va
culminer avec "Buvez du cul", une chanson du dernier
album "Le fond et la forme" réclamée à
corps et à cris par les kids depuis le début. Tout
se termine dans l'enthousiasme et l'euphorie, avec nos quatre
gentlemen de la brutalité agenouillés au bord de
la scène, serrant les mains des premiers rangs. Grand moment,
qui me fait céder à la tentation du jeu de mot facile
en concluant : "Allumez Lofo ! Allumeeeez Lofo, ho!"
François.
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