Motörhead + Skitsoy + Slunt, 27/10/2005,
Ancienne Belgique, Bruxelles.
Motörhead est en ville ! Planquez les premières
communiantes et les belles-mères ! J'ai eu beau déjà
les voir trois fois, je ne peux m'empêcher de remettre ça.
Et pour cause.
Motörhead, c'est toute une épopée.
Quand est sorti l'album live No sleep till Hammersmith en 1981,
Lemmy et ses deux acolytes étaient les plus épouvantables,
les plus redoutables, les plus innommables des groupes de hard-rock
et un ricanement de leur part aurait suffi à faire prendre
la fuite à une horde de bourreaux mongols. Le plus surprenant
est que ce groupe qui représentait l'outrance dans ses
moindres détails a maintenant survécu à trente
ans de débauche, de bruit blanc et de cuites, sans parler
évidemment de la dope.
Du line-up original, il ne reste plus que Lemmy,
bassiste à verrues, chanteur rugueux et maître à
penser du combo dont on continue cependant d'encenser les albums
de l'époque d'or de 1977-82, celle où sévissaient
le batteur "Philthy" Animal Taylor et le guitariste
"Fast" Eddie Clarke. Les turbulences dans les ressources
humaines de Motörhead n'ont pas empêché Lemmy
de faire face et de réussir à étonner son
monde en sortant des albums qui aujourd'hui encore regorgent de
surprises et de bottes secrètes qui démolissent
les tympans comme au premier jour.
Le line-up s'est stabilisé vers 1992 avec l'arrivée
à la batterie de Mikkey Dee qui, avec le guitariste Phil
Campbell (fidèle à Lemmy depuis 1984), contribue
à faire de Motörhead une légende de plus en
plus respectée, même chez les journalistes à
la virilité peu affirmée qui écrivent dans
les magazines de rock mondain.
En effet, Lemmy est en train de construire sa place au Panthéon
des plus grands. Ce type est un phénomène. A soixante
ans dans deux mois, il tourne encore avec une dose quotidienne
de trois paquets de clopes et deux bouteilles de Jack Daniel's.
Respect. C'est l'un des derniers héros inaccessibles de
l'épopée du rock'n roll, celui qui se fabrique avec
la sueur et l'acier, celui des rues sombres et des pots d'échappement
troués. Celui qui fait peur. Oh, il a beau sortir un album
de blues de temps en temps avec des copains ou tourner dans des
publicités pour chips, Lemmy inspire toujours la crainte
et la vénération, toutes générations
confondues.
Que devez-vous emporter de Motörhead en cas d'évacuation
de la Terre ? Les albums Overkill et Bomber de 1979, sans oublier
le Ace of spades de 1980 ou le surprenant Orgasmatron de 1986
et des perles plus récentes comme We are Motörhead
(2000) et le formidable Inferno (2004). Dans la musette aussi
le DVD Stage fright sorti cette année à l'occasion
du trentième anniversaire du groupe et qui retrace un concert
en Allemagne en décembre dernier, avec des tonnes de bonus.
Comme le concert est complet et que Motörhead
ne tourne pas en France, je pressens l'invasion de hard-rockers
de Paris et du nord de la France devant les portes de l'Ancienne
Belgique et je décide de venir très tôt, vers
17h30. Si j'étais arrivé cinq minutes plus tôt,
j'aurai pu assister à une séance de dédicaces
et de photos du groupe sur le trottoir avec les fans. Ca m'apprendra
à respecter les feux rouges
L'attente n'est pas trop
pesante car j'ai déjà quelques potes qui font le
pied de grue et avec qui je cause musique pendant une heure. A
18h55, les portes s'ouvrent et à 19h15, le premier groupe
commence son set.
C'est Slunt qui ouvre les hostilités. Ce
quatuor new-yorkais attire l'il des hommes du public grâce
à ses charmantes guitariste et bassiste qui sont à
croquer. Le rock'n roll de Slunt est bien primal, le groupe ayant
trempé dans une bassine d'AC/DC avant de sécher
sur la même corde à linge que Nashville Pussy. En
matière de rock avec des filles, j'ai tendance à
me méfier des groupes qui évoluent avec des gravures
de modes en guise de musiciennes mais je dois admettre que les
deux tourterelles de Slunt savent gratter les cordes, notamment
la bassiste qui est tout à fait délicieuse avec
son petit air chicanos et ses grands yeux. Le batteur et le guitariste
ont quant à eux le look typique : T-shirt noir et clope
au bec ou en train de défoncer copieusement les fûts
d'une petite batterie noire.
L'ambiance propagée par Skitsoy est beaucoup
plus virile. Ce groupe belge n'est pas un débutant puisqu'il
est animé par le chanteur Franky qui évoluait dans
les années 90 avec le mythique combo Channel Zero. Skitsoy
a été programmé un peu en dernière
minute pour ce concert alors qu'au départ, c'était
Corrosion Of Conformity qui était prévu pour ouvrir
la tournée européenne de Motörhead. Mais le
chanteur de Corrosion Of Conformity se retrouvant sans foyer suite
à l'ouragan sur la Nouvelle-Orléans, on a ensuite
parlé du Mondo Generator de Nick Oliveri. Le combo de l'ancien
bassiste des Queens Of The Stone Age a en effet joué en
première partie de Motörhead lors des dates allemandes
de la semaine dernière. Dommage qu'il ne soit pas revenu
jouer en Belgique ! Pour en revenir à Skitsoy, la formule
musicale n'est pas originale mais elle passe bien avec le chant
à la fois rugueux et clair de Franky et la pesanteur de
la guitare et surtout de la basse qui contribuent à associer
Skitsoy à des groupes comme Danzig, Rage Against The Machine,
Machine Head ou Soundgarden. Derrière Skitsoy se trouve
une véritable montagne d'amplis Marshall, prêts à
annoncer l'apocalypse que tout le monde attend avec impatience
: Motörhead !
La bande à Lemmy agresse la scène
de l'Ancienne Belgique à 21 heures tapantes. La tournée
bat son plein depuis déjà quelques semaines avec
des ravages effectués en Scandinavie et en Allemagne. Le
groupe s'apprête à retourner en Angleterre pour tout
le mois de Novembre mais auparavant le bombardier vient lâcher
quelques projectiles sur la Belgique le 27 octobre et sur la Hollande
le lendemain. C'est peut-être la raison pour laquelle la
bande à Lemmy va exécuter un show très professionnel,
calibré avec tous les trucs habituels et une set-list établie
une fois pour toute pour la tournée.
Le groupe balance sur le public ses immortels
morceaux joués sur scène depuis toujours, les incontournables
Stay clean, No class, Killed by death et Iron fist. Mais depuis
quelques temps, Motörhead a rafraîchi son répertoire
de scène en revisitant quelques chansons anciennes mais
tout à fait formidables, comme Dr. Rock qui ouvre les combats
(extrait de Orgasmatron sorti en 1986) ou des perles sorties de
Ace of Spades comme Love me like a reptile ou Fast and loose.
Le sous-estimé Another perfect day de 1983 est remis à
l'honneur avec les titres I got mine et Dancing on your grave.
Et ne parlons pas de petites perles sorties uniquement en 45 tours
à l'époque, le terrifiant Over the top et l'inquiétant
Just 'cos you got the power. Motörhead assure aussi la promotion
de son dernier album en date Inferno avec les riffs plombés
de Killers et In the name of tragedy.
Au milieu d'une foule en délire, le trio
infernal assure comme à l'exercice. Phil Campbell marche
de long en large sur la scène et hurle sur le public pour
l'exciter encore plus. Lemmy est droit comme un I, impérial,
en forme et souriant. Il tronçonne son énorme Rickenbacker
pour en faire jaillir des notes enflammées. Quant à
Mikkey Dee, on aperçoit sa chevelure blonde qui dépasse
des fûts de sa batterie babylonienne, en mouvement perpétuel
et appliqué à aplatir sauvagement ses fûts
et son régiment de cymbales.
Dans la salle, il faut malheureusement déplorer
la présence de Hell's Angels qui ont investis la barrière
tardivement en poussant tout le monde et en cognant systématiquement
les slammers qui atterrissent dans la fosse. Cette pitoyable bande
de brutes bastonne sournoisement des gars sans défense
et fayotte avec un service d'ordre un peu dépassé
par le problème et qui préfère composer avec
ces salopards pour ne pas en arriver à un pugilat général.
Je connaissais déjà ces types qui avaient faits
leur petit numéro lors d'un concert de Slade en Belgique
en septembre dernier. Avant on ne les voyait pas, ils devaient
être en taule. Je suis juste à côté
du plus "gentil" de la bande et je suis contraint de
faire celui qui n'a rien vu pour ne pas attirer son attention
et garder mes dents. Vraiment pénible.
Enfin, on se console avec une fin de concert qui
continue de cartonner avec R.A.M.O.N.E.S et Goin' to Brazil, qui
rendent respectivement hommage aux Ramones et au rock'n roll éternel.
Sur Sacrifice, Mikkey Dee nous déroule son solo herculéen
et c'est Phil Campbell qui prend le relais avec un solo très
seventies sur Killed by death.
Lors du rappel, le trio revient avec deux guitares
sèches et Phil et Mikkey accompagnent à la guitare
le grand Lemmy qui révèle aussi qu'il est un bluesman
avec Whorehouse blues, extrait également du dernier album.
Ce moment recueilli entièrement consacré au Blues
des origines est très impressionnant et termine de démontrer
que Motörhead est tout simplement un groupe de rock, celui
des rebelles et du blues indomptable. Pas le temps de souffler
puisque le groupe achève son concert avec ses habituels
classiques Ace of spades et Overkill, toujours aussi brutaux et
flamboyants.
La sortie se fait dans une masse compacte de fans
suants. Les commentaires vont bon train sur la présence
des Hell's Angels, au milieu des vendeurs à la sauvette
qui fourguent des contrefaçons de T-shirts et de posters.
Je ne reste pas trop longtemps car il y a de l'électricité
dans l'air. Certains métallos n'ont pas apprécié
de se faire taper dessus et préparent leur revanche. Ils
feront ça sans moi. N'oublions pas, la musique adoucit
les murs. Enfin, elle essaie
François.
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