La France va-t-elle enfin se débarrasser de la Star Academy
et devenir rock ? Il y a un espoir qui frémit du côté
de la jeune génération, ces gamins à peine
sortis du lycée, vissés dans la génération
Internet et MP3 et qui ont eu l'idée géniale de
choisir le camp du rock et encore pas n'importe lequel, celui
des racines garage et punk des années 60 et 70. Enfin !
Notre doux pays daigne prêter une oreille plus qu'attentive
à ce qui se fait de plus bruyant et d'énervé
outre-Atlantique et outre-Manche.
Depuis 2001, le monde a vu déferler une nouvelle lignée
de groupes rock américains, qu'on a appelé chez
nous les groupes en "The" (The Strokes, The Vines, The
White Stripes, The Rapture, The Von Bondies
). Ce renouveau
du rock allant puiser au plus profond de la source garage-punk-power
rock des années 1964-77 a ressuscité notre bon vieux
rock' n' roll, celui qui ne devrait jamais s'arrêter de
hurler et de se déhancher dans un faramineux mélange
de panache et de débauche. On le croyait mort avec Kurt
Cobain mais il est revenu avec les White Stripes et n'a pas tardé
à contaminer l'Angleterre qui connaît elle aussi
une nouvelle révolution avec Franz Ferdinand, les Arctic
Monkeys, Kaiser Chiefs, Zutons et autres Rakes ou Dead 60's. Tout
ça à cause des Libertines qui furent les grands
rénovateurs du rock anglais au début du 21ème
siècle.
Et ce qu'il y a de bien, c'est que la France n'est pas en reste
avec une floraison de petits groupes, parisiens pour la plupart
et à peine sortis de la crise d'acné, mais qui ont
utilisé le progrès technique à leur portée
pour se replonger dans le passé et acquérir des
bases solides qui rendent leur musique très excitante.
Grâce à Internet, les mômes découvrent
les Stooges le lundi et le samedi, ils donnent leur premier concert
en première partie du groupe d'Iggy Pop au Zénith.
Tout va plus vite et ce qu'il y a de beau, c'est que cette nouvelle
descendance est résolument authentique dans son approche.
Ce qui fait qu'il vaut mieux être à Paris aujourd'hui
pour humer les parfums du Swinging London des années 60
ou de New York en 76. Il y a une scène qui bouge et qui
s'exprime notamment grâce aux concerts du vendredi soir
au Gibus, en passe de devenir un temple de la nouvelle génération,
notre Marquee ou notre CBGB à nous.
Le problème, c'est que tout cela reste pour l'instant
reclus dans l'underground, la cassette démo, le petit concert
annoncé trois jours à l'avance ou le bouche-à-oreille.
Eh oui, les maisons de disques hexagonales ne sont pas au rendez-vous
pour prendre le relais et offrir à notre pays une vague
rock qui rappellerait l'époque Trust - Téléphone
ou la vague alternative de la fin des années 80 (Bérurier
Noir, Garçons Bouchers, Satellites
). Tout ce que
nous avons sous la main pour le moment est une excellente petite
compilation qui vient de sortir chez Because et qui propose une
poignée de groupes remarquables : Second Sex, Plasticines,
les Shades, The Hellboys, The Parisians, Brooklyn, The Rolls.
Tout le monde n'est pas là car on parle également
beaucoup des Naasts, des Brats, les Mollys, les Polacks, les Victorians
et on cite en référence les plus gros d'entre eux,
les vétérans AS Dragon ou les Hushpuppies. En tout
cas, cette compilation a le mérite d'exister car elle permet
de poser une musique sur un nom de groupe et d'évaluer
la qualité de tous ces petits combos superbement énervés
et finement lettrés en matière d'électricité
rock.
Il serait donc temps d'effacer les traumatismes du Yé-Yé
des Sixties qui ont, à jamais, plombé les chances
de la France d'être un pays rock comme tous les autres pays
occidentaux. Messieurs les producteurs, messieurs les patrons
de labels, messieurs les organisateurs de concerts, voyez moderne,
voyez rock, faîtes-nous oublier qu'à l'époque
des Rolling Stones ou des Kinks, le business français choisissait
Dalida ou Georges Moustaki pour divertir la jeunesse. Signez tous
ces petits groupes, faîtes-les tourner, rivalisez avec les
anglais. Il y a toujours eu dans ce pays d'excellents groupes
rock, les concerts sont pleins, il y a une demande, alors lâchez-vous
!
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