Où l'on reparle des New Yorks Dolls. Les ancêtres
du Punk américain ont saccagé le paysage rock à
la vitesse d'une comète ébouriffée en léguant
au monde ahuri deux brûlots iconoclastes, New York Dolls
(1973) et Too much too soon (1974). Ils y braillaient un rock'
'n' roll inspiré des Rolling Stones et du rock des Fifties,
habillés en fille, pour la plus grande joie des ligues
de vertu américaines. Puis ce fut l'explosion en pleine
course, les carburateurs brûlés et les pneus crevés
fumant encore au-dessus de la carcasse en ruine de la bagnole
New Yorks Dolls. Leur courte vie a quand même servi de modèle
à plusieurs générations de groupes de rock
: Kiss, Aerosmith, Ramones, Blondie, Sex Pistols, Damned, Mötley
Crüe, Guns 'n' Roses, Hanoï Rocks ou autres Strokes
et Libertines.
Les Dolls ont sans doute dû hiberner au pôle Nord
ou un truc dans ce genre, durant plus de trente ans avant qu'un
savant Punk fou ne les dégèle et qu'ils ne repartent
à la bagarre comme si de rien n'était. C'est en
tout cas l'impression qu'on a quand on écoute le troisième
album officiel du groupe, le premier en 32 ans. Pourtant de l'eau
a coulé sous les ponts et les New York Dolls ont laissé
plusieurs des leurs au cimetière, enregistrant le plus
gros taux de perte depuis les Ramones. Johnny Thunders (guitare),
Jerry Nolan (batterie) et Arthur Kane (basse) ont rejoint au paradis
le premier batteur Billy Murcia, disparu dès 1973.
Pourtant, les deux survivants que sont David Johansen (chant)
et Sylvain Sylvain (guitare) sont toujours dans le coup et sont
revenus réclamer leur part de légende au moment
où tout le monde se remet à parler de rock et où
les historiques Stooges et MC5 se sont reformés également.
Les années 70 reviennent donc au galop et on sent en écoutant
ce nouveau disque des Dolls que les gaillards ont gardé
la fougue et la folie d'antan. Avec une équipe renouvelée
(Sammi Yaffa, Steve Conte, Brian Koonin et Brian Delaney), les
vétérans Johansen et Sylvain mettent le paquet et
retrouvent le recette du rock chaud à guitares (We're all
in love, Runnin' around, l'increvable Dance like a monkey, le
binaire thermonucléaire Punishing world, le bluesy I ain't
got nothing ou le ramonesque Rainbow store). Ces morceaux sortis
du zinc d'un bar crasseux vous donnent envie de vous la jouer
à fond, de sortir la moue boudeuse, de tirer la bouche
en cul de poule et de gueuler au monde "qu'est-ce que t'as,
toi !".
Les Dolls ont soigné leur image en invitant également
quelques grandes pointures, comme Iggy Pop ou Michael Stipe (de
R.E.M.), qui chantent des chansons à leur image : Iggy
déchire tout sur le démoniaque Gimme love and turn
on the light et Michael Stipe berce son monde sur le romantique
Dancin' on a lip of a volcano. Quelques chansons douces parsèment
d'ailleurs l'album, ce à quoi les Dolls ne nous avaient
pas habitués. Ca sent parfois un peu le réchauffé
mais ces baisses de régime occupent des proportions supportables
pour un album de rock 'n' roll digne de ce nom. Et c'est bien
ce que les New York Dolls ont réalisé ici. Espérons
qu'ils battent leur record des années 70 en sortant deux
autres albums en moins de trente ans !
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