Plusieurs raison
à ça. La première c'est que l'interview est
trop bonnarde pour m'en passer (rire). De manière purement
technique on peut dire qu'il n'est pas totalement absent du monde
du rock dans le sens où c'est lui qui a inventé le
jazz-rock à la fin des années 60, mais surtout pour
moi ce qui justifie sa présence c'est que je pense que c'est
lui, si on fait fi de Socrate et de Diogène qui sont loin
dans l'histoire, qui a inventé cette posture existentielle
qui a été banalisée par Johnny sous le nom
de "La rock n'roll attitude". A son époque cela
s'appelait "le cool". Etre à la fois soi-même
tout en étant détaché des choses et tout en
y étant complètement impliqué. Ce sont sans
cesse des paradoxes qui font que l'on est extrêmement sentimental
sans être touché par rien parce qu'il faut en être
détaché.
Dans
le rock il y a deux archétypes qui ressortent : soit avoir
un destin tragique, soit rentrer dans un certain anonymat artistique
?
C'est juste mais il y en a un troisième c'est la mystification.
Lorsque la figure prend le pas sur le travail artistique en lui
même. Après, vous savez, je crois que lorsque l'on
a inventé le monde ou tout du moins la manière de
l'exprimer, qu'on ait pu influencer un temps l'univers musical et
même plus et que tout d'un coup on se retrouve marginalisé
cela implique évidemment un désespoir. L'une des qualité
du rock c'est qu'il faut être numéro 1, les meilleurs
périodes du rock sont lorsque les meilleures artistes sont
Number One !
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C'est
un état d'esprit très proche du monde du sport
et plus particulièrement du football ?
Pour les gens qui ont un peu d'âge comme moi c'est quelque
chose qui est invraisemblablement sympathique et inouï.
Lorsque j'étais jeune il n'y avait pas plus éloigné
que le foot et le rock. Si tu avais des cheveux longs tu ne
pouvais pas rentrer en sélection. A l'époque le
sport c'était la santé, la société
purifiée alors que le rock personnifiait la drogue et
la perversion. Avec le recul on s'aperçoit que les sportifs
se défonçaient beaucoup plus que les artistes
(rire). Quand vous regardez la composition du fameux "Pot
Belge" vous verrez que les rockeurs prenaient tous les
trucs mais séparément, tout mettre ensemble cela
ne leur était jamais venu à l'esprit. Led Zeppelin
c'était des rigolos à côté des mecs
qui faisaient les kermesses en Belgique (rire). Jimmy Page c'est
un amateur à côté de Franck Vandenbrouck. |
Ce
qui est frappant c'est que la plupart de ces monstres sacrés
des années 60-70 sont toujours dans une ambiguïté
sexuelle ?
C'est arrivé avec le Velvet, avec Bowie, même avec
Elton John qui a fait l'aveu de son homosexualité très
tôt dans sa carrière. Kate Bush me disait que c'était
incroyable de voir ces garçons qui, avec leur guitare, sont
juste en train de se masturber devant des foules entières.
Dans le rock qui est pourtant une musique très virile il
y a une féminité très présente, ne serait-ce
que dans les cheveux longs. Les hippies étaient à
la fois très barbus, velus du torse avec l'idée de
la nature omniprésente et à la fois très doux
lié au pacifisme. C'est un équilibre magique. On entre
dans le territoire du charisme, ce qui fait qu'ils rayonnent au
sein d'une société c'est le mix entre la masculinité
et la féminité intérieure, (qui n'est pas directement
liée au comportement sexuelle). Ce mélange engendre
un rayonnement magnétique, les gens qui sont des sexes symboles
notamment les icônes des homosexuels vous verrez qu'elles
ont un côté masculin que ce soit Dalida, Vartan ou
Tina Turner : elles ont toujours des traits un peu durs. Ca vaut
aussi pour les hommes qui ont des traits doux en général.
Les Beatles étant un exemple parfait, ils ont des traits
doux sans être spécialement beaux avec ce côté
ouvrier, hard-man du nord de l'Angleterre. Le côté
communautaire a aussi fasciné. Ce qu'il y a de génial
dans un groupe c'est qu'ils incarnent le fantasme des adolescents
de vivre en bande, être un groupe d'amis indissociables, inséparables
quoi qu'il arrive.
C'est
l'idée des quatre mousquetaires de Dumas ?
Exactement ! C'est cette idée qu'au sein de l'humanité
on puisse trouver des groupements d'hommes ayant des amitiés
indéfectibles. Ce qui rejoint cette religiosité dont
on parlait tout à l'heure. Ce qui est encore plus précieux
dans le monde d'aujourd'hui où, alors qu'on a des moyens
de communication comme jamais, on se sent comme jamais : seul. Sans
passage de relais entre les générations.
Votre
livre montre aussi l'évolution des artistes, avec des cristallisations
médiatiques, est-ce que MTV a tué le mythe ?
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