Très
simplement. Un soir, je reçois un coup de fil vers 1h du
matin de mon agent de l'époque qui m'annonce qu'il a déjeuné
avec Michel et que ce dernier a écouté les bandes
de mon disque, qu'il a bien aimé et qu'il a envie de m'aider.
" Vous avez rendez-vous demain en studio à 9h ."
Je lui demande s'il n'a rien trouvé de mieux pour me réveiller
! " Je passe ensuite la nuit à me demander si c'était
un canular. Je croyais tellement que c'était une blague,
que je n'ai pas eu le temps d'avoir peur. J'arrivais à
9h au studio, Michel était déjà là
pour m'accueillir, je n'avais plus envie de rire. Il m'a accueilli
d'une façon extraordinaire, très chaleureuse. On
avait trois heures pour enregistrer quelque chose en duo. On a
choisi un morceau de sa composition, O nana oyé, un morceau
des îles, assez festif, puis on est allé au restaurant.
On a parlé de musique et on a refait le monde.
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C'est
un pianiste qui vous a influencé ?
Je l'ai vu pour la première fois au festival de Vienne
en 1980. J'étais avec un copain à qui je dis
: " Il y a un enfant de cinq ans qui joue comme Bill
Evans ! " C'est lui qui m'a dit qu'il s'agissait de
Michel Petrucciani. J'ai été influencé
par sa façon toujours festive d'aborder la musique,
privilégier toujours la mélodie plutôt
que l'intellectualisme à outrance et aussi par son
approche physique du piano. Michel était quelqu'un
qui mettait beaucoup d'intention dans chaque note. Et puis
j'aimais bien son côté latin, nous avons tous
les deux des origines italiennes.
D'autres
pianistes vous ont influencé ?
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Bien sûr,
Keith Jarret, que j'ai découvert dans une boum d'étudiants
où quelqu'un a mis le Köln Concert, tout le monde
s'est tu et a écouté bouche bée. Il faut
dire que nous étions tous étudiants en musicologie.
C'est un disque qui a hanté mes nuits. Et quand il a sorti
les standards aussi ce fut un moment très important. Puis
il y a eu Oscar Peterson, je connaissais sa musique par les disques,
mais je me disais que c'était du blues et comme je n'étais
pas né à Harlem
Jusqu'au jour où j'ai
participé à un stage avec John Abercrombie, il nous
a demandé de jouer un blues. A l'époque, j'étais
très influencé par Chick Corea et il m'a repéré
: " Not a Chick Corea blues, pure blues ! " J'en étais
incapable. Il m'a conseillé d'écouter Oscar Peterson
: " Tu as construit ta maison en commençant par la
peinture, mais tu n'as pas les fondations. " J'ai ainsi redécouvert
Oscar Peterson, sa musique très festive aussi avec une
technique hallucinante et j'ai appris à jouer le blues.
Venons-en
à votre dernier album, Thanks for all, comment est né
ce projet avec Mino Cinelu ?
A la suite de ma rencontre avec Oscar Peterson, j'ai discuté
avec son producteur, lui disant que j'avais envie de faire un
album dans un bon endroit avec un bon piano. Il m'a dit : "
Pourquoi ne pas aller à New York, ce n'est pas plus cher
qu'ailleurs? " J'avais envie de jouer avec un maximum de
musiciens sur place et je voulais un percussionniste. C'est Philippe
Saisse qui m'a conseillé Mino. Dans ma tête, Mino
était américain, alors quand j'ai appris qu'il était
né à Saint-Cloud
Il a été très
touché qu'un français pense à lui, il m'a
demandé une démo et m'a rappelé en me disant
OK. Jérôme Sabbagh, saxophoniste français
aussi expatrié aux Etats-Unis m'a conseillé le batteur
Darren Beckett et je suis parti avec mon bassiste. On s'est retrouvé
en studio, on avait deux jours, c'était un gros pari sans
s'être jamais vu. Mais il y a eu tout de suite une grande
qualité d'écoute, au delà de la technique.
Et puis l'entente a été parfaite entre Darren et
Mino, ce qui n'est pas évident entre un batteur et un percussionniste
qui ont souvent tendance à se marcher sur les pieds. Nous
avons, par exemple, enregistré Caravan en une seule prise.
Nous avons même une vidéo de l'enregistrement en
studio et dans New York, je pense la sortir un jour.
Vous
accompagnez aussi la chanteuse Sheila Jordan, il y a eu un beau
concert au New Morning en octobre 2003.
Oui,
je l'ai rencontrée par l'intermédiaire du contrebassiste
Cameron Brown qui jouait avec elle en duo. Ma femme et moi
l'avons rencontrée et ça a tout de suite accroché.
Pascale (ndlr :sa femme et son agent) s'est proposée
de devenir son agent pour l'Europe et lui a demandé
de tourner avec mon trio. Elle a aussi eu l'idée de
fêter ses 75 ans au New Morning avec un concert spécial
dans lequel il y aurait des invités. Nous avons demandé
à Paolo Fresu et David Linx de venir. Nous en avons
profité pour mettre le concert sous le sigle de notre
association JASOS (Association d'Aide aux Orphelins du Sida
en Afrique du Sud). |
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Revenons-en
à votre musique, vous accordez beaucoup d'importance à
la mélodie dans vos compositions.
Suite
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