Nos brésiliens
préférés de Sepultura reviennent enfin sur
le devant de la scène avec leur très attendu nouvel
album, 'Nation'. Alors que leur précédent opus 'Against'
donnait plutôt l'impression d'être un album époque
Max Cavalera mais sans Max Cavalera, 'Nation' rectifie le tir
en proposant des titres bien plus novateurs mais surtout bien
plus représentatifs de la personnalité de chaque
membre.
Le groupe est à nouveau soudé, Derrick Green a enfin
trouvé ses marques. La machine Sepultura est bel et bien
repartie. C'est donc avec un réel plaisir que nous avons
retrouvé Andreas Kisser et Paulo JR. lors d'une conférence
de presse à Paris le 06 février 2001.
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Pouvons-nous
considérer votre nouvel album comme un album concept
?
AK: Oui, définitivement,
pour la première fois, nous avons réalisé
un concept. Ce dernier était présent à
nos esprits dès le début de l'écriture
des morceaux. Nous avons pu ainsi nous concentrer sur les
textes et orienter également notre musique en fonction
des thèmes abordés. |
Comment
avez-vous eu l'idée de passer de la notion de tribu (développée
dans 'Roots') à celle de nation ?
AK: C'est une évolution naturelle.
Nous avons beaucoup changé depuis 'Roots' avec notamment
l'intégration de Derrick. Nous continuons à évoluer
aussi bien au niveau conceptuel que musical en nous fixant d'autres
buts, d'autres défis. Ce concept de nation est extrêmement
riche, rempli de symboles. Il peut traiter de tas de sujets. C'est
une source d'inspiration inépuisable.
Après
la tribu et la nation, quelle sera d'après vous la prochaine
étape ?
AK & PJ: La destruction! (rires).
Non sérieusement, à l'avenir, nous n'allons pas
forcément retravailler sur ce thème. Chaque album
de Sepultura constitue une étape à lui tout seul
et ce, depuis 'Bestial devastation'. Pour l'instant, la nation
est le thème qui nous préoccupe. Nous allons continuer
à le développer sur scène. Quant aux prochains
thèmes abordés, nous verrons bien plus tard.
Considérez-vous
l'idée de 'Nation' comme une révolution ?
AK: mmhh...,
oui, en quelque sorte, une révolution sur la façon
de penser. Nous avons besoin de nous concentrer sur l'aspect écologique
et non sur la politique qui est complètement absurde. Les
gens se battent sans cesse pour des terres ou des différences
de point de vue. Nous pensons que les différences d'opinions
constituent les éléments essentiels de la vie. Elles
ne doivent pas être une raison pour se battre. Discuter,
confronter des nouvelles idées permettent d'avancer. Cela
ne peut être que bénéfique pour tout le monde.
Le message de 'Nation' est de prendre soin de notre planète.
Nous arrivons à un point où nous n'avons plus d'eau
saine, de bon air à respirer. Nous sommes de plus en plus
pollués par les voitures, les usines... Nous devons y faire
très attention car si cela continue, il nous sera impossible
de réparer le mal. Il y a déjà des tas d'erreurs
commises irréparables. Cela ne doit pas continuer.
Pourquoi
utilisez-vous une symbolique communiste (une étoile sur
fond rouge) au niveau du visuel de votre album ?
AK: Cela n'apparaît qu'au niveau
de l'artwork. Les gens comme Léline ou Staline étaient
des bouchers qui tuaient leurs ennemis pour imposer leurs opinions.
La nation dont nous parlons n'a rien à voir avec cela.
Comme je le disais, nous sommes pour les différences d'opinions.
Ce sont ces différences qui rendent cette nation si riche.
Cela n'a rien à voir avec la politique, mais plutôt
avec une prise de conscience personnelle sur l'endroit où
nous vivons aujourd'hui et sur ce que nous y ferons.
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Il
y a dans 'Nation' des tas de citations de personnalités.
Comment avez-vous choisi ces citations ?
AK: J'ai choisi ces citations car
elles sont puissantes mais sans faire intervenir la notion
de violence. Des personnes comme Gandhi, Mandela ou le Dalaï
Lama se battaient avec leur coeur et leur âme, en utilisant
leur intelligence.
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Ils ne veulent
pas se battre physiquement avec qui que ce soit. Ils veulent juste
être eux même et vivre en harmonie avec les autres.
La nation que nous concevons est basée sur la même
attitude. La violence ne fait pas partie de leur style de vie
bien qu'on les ait fait souffrir pour des raisons politiques.
C'est là que réside le pouvoir de ces hommes.
C'est
la première fois que Igor écrit pour le groupe,
comment cela s'est déroulé ?
AK: Le plus naturellement du monde.
Grâce au concept, nous avions à exprimer des tas
d'opinions différentes sur les mêmes thèmes.
Et plus nous avions de points de vue, mieux c'était. Je
trouve sa participation plutôt cool. Mais nous n'avons jamais
forcé qui que ce soit à faire des choses qu'il ne
voulait pas faire. Par exemple, dans le cas de Paulo, ce dernier
garde secrètement des textes depuis huit ans maintenant.
Peut-être un jour saurons-nous de quoi ils parlent (rires!).
C'est la même chose pour Igor. Il n'avait jamais écrit
auparavant pour le groupe, jusqu'à ce qu'un jour il décide
de coucher sur papier ce qu'il a dans le coeur.
Pourquoi
avez-vous décidé d'enregistrer l'album au Brésil
?
AK: C'est parce que le Brésil
est le meilleur endroit au monde (rires!). Pour nous, il est important
de rester à la maison auprès de nos familles mais
également du football, de la bière, de notre nourriture,
des belles femmes. Lorsque nous sommes chez nous, nous sommes
plus calmes, plus confiants. Nous n'avons plus de souci, ce qui
permet de nous concentrer uniquement sur l'écriture et
l'enregistrement des morceaux. Nous avons commencé à
composer et à faire des démos en 1999 à Sao
Paulo. L'an dernier, nous avons commencé à enregistrer
dans un excellent studio, avec un très bon équipement
et avec Steve Evetts à la production. Nous avons vraiment
fait le bon choix. De plus Derrick a réussi à s'adapter
à notre pays. Il commence même à parler la
langue. Il aime visiblement cet endroit. Cette situation aide
tout le monde à se sentir bien. C'est pour nous l'aspect
le plus important. Peu importe s'il existe des meilleurs studios
ailleurs. C'est au Brésil qu'on se sent le mieux et qu'on
travaille le mieux.
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C'est
bizarre car vous n'avez pas toujours tenu ce discours. Dans
la vidéo 'Live in Barcelona', vous disiez que Sao
Paulo était une ville complètement folle !
AK: C'est la même
situation vous savez!
PJ: C'est même pire à présent !
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AK: A l'époque de 'Beneath the remains'
et de 'Arise', il était très important pour nous
de parler du Brésil d'une manière aussi réaliste.
La plupart des gens se font de fausses idées sur le Brésil.
Ils voient ce pays comme une jungle peuplée d'indiens.
On voulait alors montrer que le Brésil avait aussi de très
grandes villes, avec tous les problèmes que cela peut engendrer.
Nous ne parlons plus trop de cet aspect car les gens qui suivent
Sepultura à travers nos paroles et nos vidéos ont
à présent une meilleure idée de ce qu'est
le Brésil. Ils ont compris que ce n'est pas qu'un lieu
de vacances et que la culture brésilienne présente
des aspects plus durs, plus agressifs.
Quelles
influences pensez-vous que Derrick a exercé sur les nouvelles
compositions ?
AK: Je pense que la contribution de Derrick sur cet album est
fondamentale. Il a en effet appris à être plus confiant.
Il a su se surpasser en tentant de chanter réellement.
Il ne se contente plus de crier systématiquement. En fait,
il est vraiment lui-même à présent. Cela a
aidé le groupe à concrétiser différentes
idées et à explorer d'autres horizons musicaux.
'Against' représente une période très confuse,
très turbulente. Derrick ne pouvait à cette époque
développer son propre style. Mais après les différentes
tournées que nous avons faites, nous sommes retournés
au Brésil. Nous avons commencé à composer
lentement mais sûrement et avons réalisé quelques
démos, ce qui a aidé Derrick à s'affirmer
et à nous aider par la même occasion à développer
notre musique. Je dois ajouter que Steve Evetts nous a tous aidé
à concrétiser 'Nation'. Il a notamment aidé
Derrick à trouver la confiance suffisante pour chanter
sur l'album.
Comment
avez-vous eu l'opportunité de travailler avec le groupe
Apocalyptica ?
AK: Les gars d'Apocalyptica sont de
bons amis depuis pas mal de temps. Ils étaient venus à
un de nos shows en Suède. Ils nous ont alors remis leur
tribute à Metallica. C'est comme ça qu'on les a
rencontrés. J'ai vraiment été surpris par
cet album. Je trouve que la manière qu'ils ont de mélanger
le metal et la musique classique est fantastique. En ce qui concerne
notre album, j'ai composé et interprété un
morceau à la guitare acoustique, puis je leur ai envoyé
la bande. Ils ont arrangé le morceau à leur façon.
Je trouve le résultat final parfait, exactement comme l'idée
que je m'en faisais.
Pensez-vous
un jour reprendre quelques-uns de vos vieux morceaux avec un orchestre
classique complet ?
AK: Je ne pense pas. Metallica l'a
déjà fait. Et puis je pense que le résultat
n'a pas l'impact désiré. Cela sonne trop comme deux
ambiances différentes superposées et non comme une
musique dont les instruments convergent pour ne faire qu'un. Cela
n'apporte pas vraiment quelque chose de nouveau. C'est pourquoi
en ce qui concerne Sepultura, ce type d'expérience se limitera
à notre collaboration avec Apocalyptica ou à des
collaborations similaires, mais pas avec un orchestre complet.
Que
pensez-vous des autres groupes sud américains à
qui vous avez ouvert des voies ?
AK: C'est cool d'avoir été une influence et d'avoir
montré qu'il n'est pas impossible pour un groupe sud américain
de sortir de son pays. Je pense que le fait de chanter en anglais
aide énormément à s'exporter. Mais le problème
est que beaucoup de ces groupes chantent en espagnol, ce qui constitue
un gros handicap si l'on envisage une carrière mondiale.
Mais cela me fait plaisir qu'un groupe comme Sepultura leur ai
donné l'envie d'aller plus loin.
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Vous
savez que 'Roots' est considéré comme l'album
ultime de Sepultura. Pensez-vous que ce type de succès
phénoménal n'arrive qu'une seule fois dans la
vie d'un groupe ou espérez vous réaliser un
album qui aura un impact similaire? Nation est-il selon vous
cet album ? |
AK: Il est tout à fait possible de réitérer
le succès de 'Roots'. En ce qui concerne 'Nation', nous
sommes vraiment confiants car nous sentons à nouveau que
nous sommes un vrai groupe. 'Roots' n'est que l'aboutissement
de ce que nous avions commencé avec 'Arise'. Nous avions
commencé à introduire des percussions brésiliennes
dans 'Altered states'. Nous avons continué à développer
le style dans 'Chaos AD', et c'est avec 'Roots' que tout a explosé.
Avec 'Against' et 'Nation', nous avons construit autre chose.
Je pense que 'Nation' ou son successeur auront le même impact
que 'Roots'. Nous essayons toujours de faire quelque chose de
différent mais avec le même feeling. Nous ne voulons
en aucun cas copier 'Roots'. Ce serait trop ennuyeux. Et puis
même si l'on revenait en arrière, qu'on refaisait
les mêmes trucs dans le même studio avec les mêmes
personnes, cela ne sonnerait pas pareil. C'est d'ailleurs pour
cette raison que 'Roots' est si spécial à nos yeux.
Quand
pensez-vous tourner pour promouvoir le nouvel album ?
AK: Nous allons commencer
par les USA en mars et nous allons enchaîner par l'Europe
en mai certainement.
Que
pensez-vous d'internet et comptez-vous développer cet aspect
?
AK: Nous surfons beaucoup sur le net.
En ce qui concerne le groupe, nous essayons d'améliorer
cet aspect autant que possible. Par exemple, pendant que nous
enregistrions l'album, Paulo avait une caméra digitale
afin de capturer ces instants et de les mettre sur le web. Il
y a également des films de nos tournées à
disposition. Nous essayons d'alimenter notre site avec le plus
possible d'informations.
PJ: J'ai tellement de choses à y
mettre. Mon ordinateur va exploser. L'utilisation d'internet est
devenue extrêmement importante. C'est un outil très
pratique pour communiquer rapidement et à moindre frais.
Il faut en tenir compte.
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Que
pensez-vous des gens homophobes que l'on trouve souvent dans
le milieu du métal ?
PJ: Homophobe! Mais nous ne sommes
pas homophobes (rires!). Vous savez, les groupes de metal
se donnent souvent une image dure, radicale d'eux mêmes.
Mais ce n'est pas la réalité. Le metal est l'un
des styles qui réunit tous les styles de gens et pas
seulement au niveau musical. Attaquer les gens parce qu'ils
croient ou agissent de façon différente est
bien sûre une mauvaise attitude. La différence
entre les gens fait vraiment la beauté du monde. Nous
devons être capables de vivre ensemble. |
Vous
êtes amis avec Jason Newsted. Quelle est votre opinion sur
le split entre Jason et Metallica ?
AK: Je pense que Jason était
fatigué de Metallica. Il n'a jamais eu l'opportunité
de développer ses propres idées au sein du groupe,
aussi bien au niveau de la musique qu'au niveau des textes. Je
sais qu'il a proposé beaucoup de matériel pour la
composition du nouvel album. Mais Lars et James exercent un contrôle
trop important dans Metallica. Je pense qu'il en avait assez de
cette situation, qu'il voulait faire quelque chose de plus honnête,
quelque chose qui lui corresponde mieux. En musique, c'est très
difficile si tu ne ressens pas pleinement ce que tu joues. Je
pense que c'est mieux ainsi. Il va pouvoir continuer en suivant
son propre style et à faire de la bonne musique, comme
il le faisait dans 'Flotsam and Jetsam'.
On
a souvent entendu parlé d'une réunion entre vous
et Max, qu'en est-il exactement ?
PJ: Ce n'est pas vrai. Ce n'est qu'une
rumeur.
AK: Vous savez, hier j'étais
en Hollande, et j'ai entendu dire que je m'étais battu
avec Derrick en Pologne (rires!). Je ne sais pas d'où vient
cette rumeur. Il était question pour le 'Ozzfest' de réunion
du vieux Sepultura. Mais cela n'aurait pas été bien
de faire cela. L'argent ne nous intéresse pas. Nous sommes
au dessus de ça. Actuellement, nous nous entendons à
merveille avec Derrick. Nous sommes en train de créer des
liens solides entre nous. Si nous avions fait cette réunion,
je pense que nous aurions détruit tout ce que nous avons
construit.
Traduction de Laurent Divergent
(Transit/Divergence FM).
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