Peter Cincotti, 27/06/2005, Flagey de Bruxelles.
La promo avait bien fonctionné, car la
salle du Flagey était comble pour le premier concert en
Belgique du pianiste américain Peter Cincotti. Un peu perdu
sur la grande scène bruxelloise, le chanteur et son trio
ont assuré une prestation bien rodée et superbement
huilée, destinée à un public tout heureux
de voir et dentendre en chair et en os le nouveau chouchou
du jazz, tout auréolé des grosses ventes
de ses deux premiers albums.
Cincotti est un pro, qui se promène sur
scène avec cette assurance acquise, depuis quelques courtes
années sur les plus grands podiums mondiaux, et aussi par
le fait dêtre le point de mire dune équipe
bien soudée, entièrement dévolue à
sa cause.
Il nest pas un jazzman au sens propre, ne
se lançant pas dans des scats endiablés ou dans
des extravagances vocales au-delà de ses possibilités.
Mais il faut être honnête; sa voix passe très
bien et son charisme naturel produit son effet sur les spectateurs
( et sur les spectatrices). Il a interprété la majorité
des chansons de son répertoire, ainsi que deux nouvelles
compositions avec beaucoup de sensibilité. Ses talents
de pianiste sont indéniables sans être pour autant
mirobolants, même s'il existe des centaines dartistes
de son niveau -de par le monde- dans tous les bons piano-bars.
La sincérité de Peter est réelle,
de même que son plaisir, voire son désir, de plaire
en offrant un beau spectacle à son public. Il serait dailleurs
intéressant de le voir avec une autre formation, nettement
plus professionnelle et pas uniquement entouré de copains
et collègues, présents uniquement pour placer le
crooner au centre des feux de la rampe.
Un trio daccompagnement assez faiblard,
constitué dun saxophoniste qui ponctue le chant de
Cincotti de quelques mesures daccompagnement, dun
bassiste pas plus mauvais (mais pas meilleur non plus) que les
autres, et dun batteur un peu mou-mou et un peu rikiki dans
ses prises de solos. Mais lessentiel de la soirée
nétait pas là, car le public était
venu pour le beau chanteur et pas pour son orchestre.
A ce niveau-là, rien à dire car
la machinerie était parfaite. Mais je me permettrai quand
même de réitérer cette impression ressentie
lors du passage de Diana Krall il y deux ans à Forest National;
prestation correcte, mais sans une once de démesure, pas
une goutte de transpiration, ni même un seul cheveux de
défait à la fin du concert. Un concert de classe
internationale avec tout ce que cela peut induire de péjoratif.
Bien sûr, nous entendrons encore chanter
Peter Cincotti. Et pour lavoir interviewé, je ne
mettrai pas en doute sa sincérité dartiste
et son amour du jazz, son désir de séclater
tout en ignorant (c'est lui qui le dit) le type de musique quil
interprétera dans dix ans. Cincotti tient quelque part
de Billy Joel car son répertoire, en dehors de quelques
standards, est plus proche du pop song (quil chante très
bien par ailleurs) que du jazz.
Pari tenu que le bellâtre de New York composera
prochainement un tube, de niveau mondial, à linstar
de Honesty de Billy Joel, de quoi le mettre à labri
quasi définitivement de tous revers de fortunes et de lui
offrir une notoriété éternelle
sur scène. En tous cas, Peter Cincotti est un artiste à
suivre, à découvrir et à laisser mûrir.
Cet homme a des choses à dire et il nest pas du genre
à les garder pour lui.
Un artiste sincère, qui nous surprendra
probablement encore, même si ses concerts sont encore trop
lisses.
Etienne.
|