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Slayer, Slipknot et Hatebreed, 01/10/2004, Brabanthal, Louvain (Belgique).

A la sortie de l'autoroute qui mène à la Brabanthal de Louvain, où j'affronte aujourd'hui les tueurs de Slayer et de Slipknot, je vois que la voiture qui me précède porte la plaque d'immatriculation DCU-666. The number of the beast… Tout cela est d'excellent augure…

Il faut cependant dire que l'affiche qui nous attend est assez étrange. D'un côté, les maîtres du thrash métal : Slayer, qui tournent en compagnie des prétendants au trône dans la catégorie néo-métal, Slipknot. C'est une sacrée différence de génération également et je m'inquiète en voyant arriver des régiments de gamins à peine pubères qui arborent tous le même tee-shirt Slipknot. Ces gus-là n'étaient même pas nés lors de la sortie du premier album de Slayer en 1983 et ils devaient sans doute s'éclater à coup de Chantal Goya quand la bande à Tom Araya et Kerry King sortait son "Seasons in the abyss" en 1990.

Le plus problématique est qu'il va falloir se frayer un chemin au milieu de cette jeunesse pour accéder à la barrière. Slayer passe en effet avant Slipknot et il faudra être le plus rapide. Le public s'agglutine devant les portes, où des français débarqués du Pas-de-Calais se donnent en spectacle, déjà bien entamés à la bière et au whisky-Coca, sous l'œil goguenard des belges qui y vont de leur petit commentaire habituel sur les Français.

Lorsque les portes s'ouvrent je me faufile et arrive parmi les premiers dans la salle. Un bon sprint et je me retrouve à la barrière, centre gauche, un emplacement idéal. Je fais la connaissance de mes voisins immédiats, deux sympathiques liégeois venus écouter Slipknot. Ils connaissent à peine Slayer et je leur dis qu'ils ne vont pas regretter le moment des présentations…

Les festivités débutent avec Hatebreed, un groupe de hardcore brutal qui commence à faire parler de lui. Le quatuor assure une excellente entrée en matière avec un petit show puissant et agile. Le bassiste arbore un tee-shirt Black Sabbath. On reconnaît facilement les hommes de goût. Hatebreed se constitue en ce moment un noyau de fans dévoués et de nombreuses personnes sont venues à Louvain rien que pour les écouter. Et ça vaut le coup car ils sont bien énervés sur scène et séduisent avec des titres trapus et efficaces comme une paire de Rangers placée dans les bijoux de famille.

Quelques minutes avant le show de Slayer, je retiens mon souffle et je profite du moment. Je me sens comme le musulman sur le chemin de la Mecque, un concert de Slayer étant pour le métallurgiste une étape obligatoire dans son parcours initiatique.

Lorsque les bouchers de Huntington Beach apparaissent sur scène, c'est la folie extatique. Le bassiste-chanteur Tom Araya est jovial, apparemment remis de son problème de gorge qui l'avait empêché de finir le concert de Munich quatre jours plus tôt. Lorsqu'il hurle les premières paroles de "Disciple", on comprend qu'il a un excellent soigneur.

Slayer, c'est évidemment aussi une paire de guitaristes colossaux : Kerry King le chauve, tatoué, à la barbe de lutteur mongol, et Jeff Hanneman, le blond laconique au faciès de Waffen SS et à la chevelure de Conan. Ces duettistes démoniaques équarrissent le public à coups de riffs monstrueux, déversant sur les chères têtes blondes des milliers de tonnes de matière fissile. Le public est en ébullition.

Sévèrement accroché à ma barrière, à 4m50 de Jeff Hanneman et à 5m72 de Tom Araya, j'expérimente la technique des plaques puisque avec mes petits camarades, nous allons nous déplacer peu à peu de deux mètres vers la gauche tout au long du concert, sans bouger le petit doigt.

Nous n'allons pas oublier le grand Dave Lombardo, batteur irréprochable, caché derrière une masse de fûts et qui assure une rythmique imprenable, la plupart du temps à 400 coups/minute. Le moment est très grand car avec Dave Lombardo de retour depuis 2003 (en remplacement de Paul Bostaph qui l'avait lui-même remplacé en 1992), Slayer retrouve son line-up d'origine et en rajoute une couche supplémentaire dans le mythe total.

La set-list est à l'image de l'événement. Sur l'étal figurent "Disciple", "War ensemble", "At dawn they sleep", "Fight till death", "Mandatory suicide", "Hallowed point", "Dead skin mask", "Seasons in the abyss", "Chemical warfare", "Hell awaits", "South of heaven". Dix kilos de Carambar à qui me cite les albums d'où sont extraits ces morceaux…

Slayer achève l'exécution capitale avec les pièces de choix de son album "Reign in blood" : "Angel of death", puis, après un intermède ultra-court, "Postmortem" et "Raining blood" en rappel. La version de "Chemical warfare", mon morceau préféré, est fabuleuse. Le plaisir est un peu perturbé par la chute continuelle de slammers sur la tête des spectateurs du premier rang. Les types de la sécurité récupèrent inlassablement les corps comme s'ils procédaient à des accouchements sans fin à la source d'une immense matrice de chaos. La Brabanhtal plie en effet sous les coups répétés de la furie sonique perpétrée par Slayer qui enterre la horde de ses fans sous des couches de métal coulé dans de la tôle de char.

Après un tel déluge de plomb et d'horreur, je suis bien obligé de constater que nous n'en sommes qu'à la moitié de la plaisanterie. La poussée du public derrière moi se fait plus pressante. Des gamins s'insinuent vers l'avant pour assister à la prestation de Slipknot et arrivent à se frayer un passage dans une foule où il n'est pourtant déjà plus possible de faire passer un acarien. Pour moi, l'exfiltration est impossible et je vais être obligé de me taper en première ligne le pilonnage exécuté par les malades de Slipknot. Mon voisin liégeois m'indique qu'il est fort possible qu'on se prenne le chanteur sur la gueule. Mais la largeur du fossé de sécurité (plus de 2m50) semble être un véritable défi.

Les boules Quiès enfoncées dans les oreilles jusqu'aux abords du cerveau, je vois apparaître sur scène la ménagerie Slipknot. Petit rappel scientifique concernant Slipknot : ce groupe de l'Iowa a plongé le monde occidental dans l'effroi avec son premier album éponyme de 1999, du néo-métal impitoyable, sorti de ses gonds et incroyablement violent.

La particularité principale de ce groupe est de comprendre neuf membres, tous dissimulés derrière des masques si horribles que même Prédator et The Thing pourraient briguer des concours de beauté.

Avec son troisième album "The subliminal verses", Slipknot défraie la chronique et provoque de véritables razzias chez les disquaires, pardon, sur les sites de MP3, puisque c'est comme ça qu'on s'achalande de nos jours. Le monde des lycéens ne parle que d'eux et il faudra voir ce que ça donnera avec le temps. Sont-ils les Kiss des années 2000 ? Vont-ils surfer brièvement sur une vague de pognon avant de découvrir les vertus de l'acid-jazz et d'emmerder tout le monde pendant encore trente ans ? Ce qui est malin avec Slipknot, c'est que comme les musiciens portent tous des masques et sont identifiés par des numéros, ils peuvent quitter le groupe incognito, être remplacés par d'autres types, perpétuer l'association de malfaiteurs pendant des décennies sans que personne ne se soucie de savoir s'ils sont vraiment les membres d'origine. Génial ! La Comedia dell'Arte du Métal, en quelque sorte…

En tout cas, je peux vous dire que sur scène, les mecs de Slipknot se donnent à fond. Le visuel est d'enfer. On a devant nous huit types complètement déchaînés (le neuvième a été rapatrié sanitairement aux Etats-Unis à cause d'une infection : ah, les jeunes… tiennent plus le rythme), qui sillonnent la scène comme des demeurés congénitaux, sous une pluie de riffs de grattes plombées et sous une avalanche de hurlements gutturaux proférés par N° 4 (du moins je crois : faut m'excuser, j'ai toujours été nul en maths). Le groupe déploie une batterie (occupée par le meilleur musicien du groupe : le batteur Joey, alias N° 1, celui-là, on s'en souvient), et deux ensembles de fûts de gros calibre, sur lesquels les deux percussionnistes N° Je-Ne-Sais-Pas-Combien et N° Je-Ne-Sais-Plus-Qui bondissent comme des dératés, tout en frappant occasionnellement sur les peaux.

Ah si, il y a le Clown (N° 6, comme dans la série TV). Marrant le Clown. Il déambule comme un zombie et écrabouille un fût métallique à coups de batte de base-ball. Il porte une cravate rose, normal. Les mecs qui vont au boulot avec une cravate, ça fait toujours plus sérieux. Non, sincèrement ces mecs-là sont 'oufs, complètement barrés. Marilyn Manson à côté ? Un secouriste…

Mais musicalement, il faut quand même admettre que ça ne fait pas beaucoup avancer le Schmilblick. J'ai encore du mal à écouter leurs trois albums (le deuxième, "Iowa", est à mon avis le meilleur, le style Korn avec une bonne dose de thrash), mais je reconnais que sur scène, ils sont vraiment monstrueux. Les guitaristes sont de véritables vélociraptors et aplatissent tout sur leur passage, ouvrant la voie à un show qui empreinte à la fois à "Jurassic Park" et à la "Planète des singes".

Lorsque tout cela est fini, je traverse une mer de bière et de verres en plastique disloqués avant de rejoindre la sortie et retrouver l'air frais. Plus de nouvelles des comiques troupiers du Pas-de-Calais. Ils ont dû être fondus dans la masse…

Conclusion : s'il reste des places pour le concert de Bercy le 23 octobre, courez en acheter. Car à Paris, vous aurez en plus Mastodon (métal stoner ultra-puissant) et Machine Head. Avec les deux autres sauvages, ça risque d'être un moment d'anthologie…

François.

 


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