" Plus
Célèbre Que Le Christ " est un recueil de chroniques
et d'interviews sur les 50 plus grandes figures emblématiques
du monde du rock vu par l'oeil passionné d'Yves Bigot. Cette
musique non conformiste, toujours d'actualité, qui a fait
rêver sa génération, la nôtre et fera
rêver les suivantes, fête donc 50 ans. A y regarder
de près c'est une bien jolie jeune fille qui se présente
sous la plume du journaliste Bigot qui n'est pas un innocent aux
dents longues ou un vieux nabab de la rock collection. Non, chez
cet homme de science c'est le moment d'explorer les dentelles des
années psy, de picorer la chair harmonique des guitares héros,
de piocher les anecdotes de ces artistes avec dans la frise chronologique
du bouquin : un début par Miles Davis et une conclusion en
compagnie des White Stripes.
Quelle
est la différence entre un critique rock et un journaliste
?
Ha ça c'est Lou Reed qui pose la question ! Il faut
savoir que lui ou quelqu'un comme Franck Zappa ont eu un rapport
difficile avec la critique, dans leur esprit un critique est
une personne inculte qui s'apparente à un groupie.
Moi je pense qu'il n'y a pas de différence entre les
deux. Pour ma part je suis un journaliste et il se trouve
que j'ai voulu me spécialiser dans le rock par goût.
Mes premières interviews n'étaient pas des interviews
de rock stars d'ailleurs. De la même façon, les
journalistes sportifs ne sont pas de mauvais journalistes
qu'on a mis au sport. Eugène Sacomano par exemple est
un écrivain remarquable aussi bien capable de faire
de la politique que de l'économie mais qui se trouve
magnifié dans une spécification qui est le sport.
Dans
votre livre, on ressent en lisant votre rencontre avec Lou
Reed une certaine déception ?
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Ce n'est pas
une expérience agréable de le rencontrer(rire). Déjà
il vous emmerde, il vous met dans des conditions impossibles, vous
avez un chronomètre qui démarre avec quinze minutes
sans une seconde de plus. Pendant l'interview, il n'est pas intéressant
car il part en solo, et ça pendant 10 minutes sur la manière
de rentrer son ampli dans la console ce dont franchement tout le
monde se fout. Autant c'est un artiste phénoménal,
un auteur immense, un compositeur génial et un guitariste
grandiose créateur du rock littéraire, si on considère
que Dylan est le fondateur du rock poétique, d'autant c'est
un mec qui déteste les interviews car il hait les questions
du fait de sa souffrance, qui est due au manque de succès
du Velvet Underground. Il en veut tellement à la vie, aux
gens et sans doute à lui même de ce manque de reconnaissance
que du coup son amertume le rend désagréable. La seule
fois où il fut un petit peu sympathique c'est lorsqu'il a
reçu le prix Des Arts et Lettres. Sinon il est odieux avec
tout le monde mais peu importe cela ne change rien à sa qualité
d'artiste. Ca ne minimise en rien toute l'admiration que j'ai pour
lui.
Chalumeau
dans la préface parle de cette ambiguïté entre
la déception de rencontrer ses idoles et la joie de communiquer
avec des gens brillants qui sont exactement le reflet de ce qu'on
pense ?
C'est vrai et en même temps, il faut quand on rencontre ces
gens là, qui ne ressemblent à personne d'autre, garder
le maximum de distance professionnelle sans vouloir les percevoir
en pote. Y compris quand ils se comportent de cette façon
comme Paul McCartney qui lorsqu'il vous reçoit vous donne
l'impression d'être votre meilleur ami et qu'il va vous rappeler
le lendemain matin pour savoir si vous avez bien dormi.
Pour
reprendre l'expression de Lennon et votre titre de livre, quand
vous qualifiez vos 50 artistes chroniqués vous utilisez un
chant lexical ayant des similitudes avec la religion ?
C'est volontaire. Le rock dans sa dimension maximale des années
70, donne une connotation, et cela partout dans le monde et pas
uniquement dans les pays occidentaux développés, un
sens de la congrégation que la religion n'apporte plus et
le sens de la communauté que la société n'apporte
plus. D'ailleurs c'est ça qui lui manque actuellement, qui
lui donne un aspect moins excitant. C'est un truc qui a basculé
un jour, un moment historiquement qu'on ne sait pas dater, où
ça a tourné dans l'autre sens. Le rock était
le reflet mais aussi le vecteur et l'accélérateur
de ce changement global dans la société, il en est
le reflet à rebours aujourd'hui. Le rock dans sa vraie dimension
était messianique. Lennon, les Beatles le sont, Jim Morrison,
Springsteen, Dylan le sont sans le vouloir et U2 vous proclament
qu'ils sont là pour jouer de la musique forte pour sinon
sauver le monde au moins sauver les âmes. Mais il y en a beaucoup
d'autres, les Clash l'étaient à leur façon
et Marilyn Manson l'est à l'envers en étant satanique.
Commencer
votre messe par Miles Davis n'était sûrement pas anodin
?
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