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Photos : Patrick Garbous, Nina Contini Melis.

 



Nous étions sous le charme de ses derniers albums, il était donc indispensable de rencontrer Serge Forté. L'homme est à l'image de sa musique, festif et communicatif, sachant faire partager sa passion de la musique avec simplicité et enthousiasme. Et le pianiste n'est pas avare en anecdotes.

Comment êtes-vous devenu pianiste de jazz ?
J'étais à la fac de musicologie classique à Lyon, un jour, durant un cour d'harmonie où je ne comprenais rien parce que j'étais arrivé en retard, j'avais oublié mes lunettes… j'ai entendu deux gars à côté de moi qui cherchaient un pianiste pour un groupe de bal. Je leur ai dit que ça m'intéressait et nous avons convié d'un rendez-vous.

J'arrive à la répétition, il y avait beaucoup de musiciens, des violons, des cuivres. Je m'installe et sur le clavier, il y avait des grilles d'accords, des notations avec des lettres ; ce que je n'avais jamais vu de ma vie. Je n'osais rien dire. Le chef d'orchestre annonce :" Nous allons commencer par quelque chose de simple pour le petit nouveau : My Way. " J'en déduis maintenant qu'il devait y avoir d'écrit sur cette grille : intro piano C. Imaginez la scène, une vingtaine de musiciens, moi au milieu, " One, two, three, four !" . (Il siffle) Je ne me sentais pas concerné, je pensais qu'il allait faire répéter les violons. Il s'adresse à moi : " Ca va ? Tu te sens bien ? " " Oui, ça va très bien. " " Alors, nous reprenons, My Way, one… "

Toujours rien. Il désigne les grilles sur le piano : "Mais, tu as les partitions. " Je jette un coup d'œil : " Vous appelez ça des partitions ? " On a fini par s'engueuler assez gravement, moi le traitant d'ignorant, en pensant qu'il avait inventé un code qui ne servait qu'entre eux car ils ne savaient pas lire les notes sur une portée. Je me suis fait jeter avec pertes et fracas !
Par la suite, j'ai mis une annonce pour donner des cours de piano, un type m'appelle et me dit " Je dirige un orchestre de bal.. " " Et vous utilisez ces espèces de lettres bizarres ? " " Oui, le chiffrage des accords avec les lettres. " Je me suis dit que ce n'était pas possible, qu'il y avait une confrérie (rires) des orchestres de bal qui ne savaient pas lire la musique. " C'est une notation qui existe depuis le moyen âge, elle est beaucoup utilisée dans le jazz, allez voir dans un magasin de musique, vous verrez bien ! " Le type a fini par m'inviter à prendre un café et m'a tout expliqué.

Pour en revenir à la question, tous les musiciens de cet orchestre étaient des musiciens de jazz qui faisaient du bal pour gagner leur vie. Tous les morceaux de l'orchestre sonnaient jazzy, notamment grâce au guitariste qui était un fan de George Benson. Il y avait toujours des solos de piano et les gars me lançaient : " Allez ! A toi ! " " A moi quoi ? " Alors je me suis mis à relever le solo du pianiste sur le disque, avec ma formation classique, ce n'était pas tellement difficile.
La semaine suivante, je jouais exactement le solo que j'avais relevé. Je suis ainsi devenu pianiste de jazz, petit à petit, parce que j'ai compris que cette musique était la plus intéressante, il y avait à la fois la rigueur et la liberté. Je pense que j'étais programmé pour ça, dans la musique classique, j'avais toujours envie de mettre mes propres notes ou de changer des accords.

En 1990, vous avez sorti votre premier album, Vaïna, il était parrainé par Michel Petrucciani. Comment s'est passée cette rencontre ?

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