Je suis multi-influencé.
Mais c'est vrai que les cuivres ont été une rencontre
particulière. Je n'ai pas vécu d'histoire d'amour
avec ma guitare alors que c'est l'instrument sur lequel je joue,
par contre en voyant une trompette rouge dans une vitrine d'un magasin
de Montréal j'ai eu le coup de foudre : il me la fallait.
Je l'ai acheté et je m'y suis mis. A partir de ce moment
là, j'ai voulu écouter ce que d'autres gens faisaient.
Au bout du compte j'aime vraiment bien les harmonies, ces ensembles
de cuivres. Quand j'étais en Yougoslavie j'ai rencontré
des groupes tziganes qui font la manche en faisant " pouet-pouet
".
Pourquoi
utilisez vous une seule rime dans vos chansons ?
Au début j'ai fait des monorimes qui n'avaient aucun sens
véritable, qui étaient uniquement descriptives. A
un moment je me suis dit qu'il fallait mettre quelque chose derrière.
Je me suis braqué sur cette forme qui est une formule tout
à fait ingrate parce que c'est un exercice de style. C'est
une sorte de travail sur la contrainte qui me permet de concentrer
mes idées et m'évite de faire l'effet " feu d'artifice
" car j'avais tendance à aller dans mille directions
différentes. Le fait d'avoir un thème et une rime
me permet d'en dire beaucoup plus qu'autrement. J'ai jamais voulu
ouvrir un dictionnaire de rimes.
|
Ce
qui donne un effet rafraîchissant à vos textes
?
C'est ce que j'aime dans les monorimes. Du fait d'avoir une
seule couleur on est obligé de peindre d'une façon
différente. Je ne vais pas dire que je suis un nostalgique
du noir et blanc mais en même temps c'est pas mal, cela
donne une imagination beaucoup plus forte. Contrairement à
ce qu'on pourrait croire bizarrement : avoir une pochette de
36 crayons de couleurs ne donne pas de plus beau dessin que
lorsque l'on en a qu'un seul. |
Et en même
temps ce n'est pas une règle car je crois que c'est le dernier
disque que j'écris de cette façon car j'ai peur que
cela fasse un processus et contribue à mon identité.
Je n'aime pas vraiment les ficelles quand elles sont épaisses
!
Tout
ce bestiaire que vous apprivoisez dans votre album c'est une sorte
de pudeur d'être humain ?
Oui je crois. C'est un beau terme. C'est un moyen de se cacher.
C'est plus facile de parler d'un animal pour dénoncer des
choses que de dire " moi je pense que ". En plus j'ai
beaucoup de doutes moi-même. Je ne suis pas complètement
sur de mon fait. Les animaux me permettent d'amener une touche de
sympathie à des sujets qui ne sont pas gagnés d'avance.
Beaucoup
d'artistes revendiquent un côté obscur, alors que vous
ce serait plutôt l'inverse.
Quand j'étais adolescent j'étais vraiment très
très obscur, limite suicidaire. J'ai été vraiment
à deux pas de la mort dans pas mal de circonstances. Donc
j'ai vraiment frôlé des trucs pas bien notamment dans
l'alcool. Je ne voulais pas être chanteur, je voulais écrire
des poèmes, et en écoutant les autres chanteurs je
me suis aperçu que c'était souvent des gens qui n'étaient
pas bien dans leur vie. Je n'ai pas envie que mon fond de commerce
soit mon auto-tragédie et la mise en scène de ma propre
tragédie perpétuellement. C'est un vrai effort que
je fais. C'est tellement plus facile d'être complaisant et
amoureux de sa petite tristesse. L'occidental dépressif est
un mode en voie de disparition, c'est à dire que l'occidental
est amoureux de sa dépression et c'est chiant ! C'est tout
simplement chiant !
Je ne
suis pas non plus Annie Cordy !
Simplement,
vous préférez l'ivresse à la détresse
?
Je n'ai même pas de préférence. C'est beau ce
que vous dites
tiens je vais le noter
mais la détresse
est une ivresse. On peut se laisser emporter. Pour résumer
: j'aime dire que je suis un tragédien qui fait le con !
J'ai souvent cette image d'un gars qui aurait un revolver sur la
tempe de quelqu'un d'autre et qui ferait un grand sourire. Comme
j'ai vécu des choses dures dans ma vie, je me sens plus proche
des gens qui en ont aussi vécu. Quand j'étais en Yougoslavie
les gens qui avaient vécu la guerre ont un humour un peu
dépité mais pas auto-masturbatoire dépressif.
J'ai envie de transformer le guanos en or !
Vous
rendez hommage à monsieur tout le monde dans vos chansons
en mettant une pointe de dérision sans jamais oublier de
le sauver de la noyade à la dernière minute ?
Suite
|